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L’avenir de la voiture est électrique mais la voiture individuelle n’est pas l’avenir

Aurélien Bigo est chercheur indépendant dans le domaine de la transition énergétique des transports. © D.R.
Article publié dans le journal Les Échos – Le 14 juin 2023
 

Interview d’Aurélien Bigo, chercheur indépendant sur la transition énergétique des transports, rattaché à la chaire Énergie et Prospérité de l’Institut Louis Bachelier, co-auteur avec la journaliste Isabelle Brokman du livre « Voiture-Fake or not ? » (Tana Editions). 

 

Avec leur généralisation, quel sera l’impact des véhicules électriques en termes de CO2 ?

 

Sur l’ensemble de son cycle de vie, le véhicule électrique (VE) en France émet deux à cinq fois moins de gaz à effet de serre (GES) que la voiture thermique. Sa fabrication et celle de sa batterie génèrent 50 % d’émissions de GES de plus qu’une voiture thermique mais, à l’usage durant toute sa vie, elle émet quinze fois moins de GES. Par conséquent, l’électrification de la voiture sera indispensable pour atteindre nos objectifs climatiques. Plus nous tarderons sur cette électrification du parc automobile, plus nos objectifs climatiques seront reportés. A cet égard, la France est l’un des pays les plus favorables au VE en raison de son électricité décarbonée. Notamment grâce au nucléaire.

 

L’avenir de la voiture est donc électrique…

 

Oui. Mais c’est insuffisant. Tout d’abord, nous passerons d’une dépendance géopolitique au pétrole (Algérie, Arabie Saoudite, Etats-Unis, Kazakhstan, Irak, Libye, Nigéria, Russie…) à celle des métaux et minerais : Australie et Chili pour le lithium, Indonésie pour le nickel, République démocratique du Congo pour le Cobalt, Chili pour le cuivre, Chine pour le graphite, le raffinage des métaux ainsi que pour la fabrication des batteries. Notons que la France bénéficie de plusieurs gigafactories de batteries mais aussi d’un projet de mine de lithium-métal dans l’Allier à l’horizon 2028 d’une capacité annuelle suffisante pour fabriquer 700 000 voitures électriques par an.

 

Et ensuite ?

 

La voiture électrique est largement surdimensionnée par rapport à l’immense majorité des usages du quotidien : 5 places pour un besoin moyen de 1,4 passager, une vitesse maximale de 180 km/h alors qu’on ne dépasse souvent pas les 50 km/h ou 80 km/h, une autonomie de 400 km pour des trajets moyens de 11 km, pour un poids de 1 t à… 2,5 t ! Il faut savoir que 100 kWh de batterie correspondent à un VE de taille pickup, deux citadines, seize quadricycles… et 200 vélos à assistance électrique (VAE) ! Il faut revoir notre approche de la mobilité en recourant davantage aux alternatives à la voiture individuelle et, notamment, aux véhicules intermédiaires entre vélo et voiture, mieux adaptés aux distances jusqu’à 80 km : voiturettes électriques ultra-légères de 1 à 3 places, tandems, rosalies, speedelecs (VAE qui roulent jusqu’à 45 km/h), vélos-cargos… Si l’on veut atteindre la neutralité carbone en 2050, il faudra passer à des mobilités plus sobres afin de réduire le prélèvement des ressources.

 

© Propos recueillis par Erick Haehnsen / Agence TCA