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Le retrofit des VUL et des PL pour un renouvellement

durable des flottes

La PME bordelaise Rev Mobilities veut homologuer en série d’une dizaine de véhicules de marques différentes. © Rev Mobilities

Encouragée par l’Ademe, la conversion des véhicules thermiques en version électrique promet de se développer en France grâce aux kits de conversion proposées par des startups françaises. Des solutions qui bénéficient de primes et d’aides versées par l’État et certaines régions.

Avec la pénurie des composants électroniques et des matières premières, acheter un véhicule neuf pourrait devenir un véritable casse-tête pour les années à venir. Et ce, dans un contexte où les prix ont déjà grimpé en 2021 de 3 % à 5 %, selon l’Observatoire des véhicules industriels. Mises bout à bout, ces difficultés pourraient bien inciter les gestionnaires de parc à s’intéresser au retrofit que la réglementation autorise depuis l’an dernier. Cette solution consiste à convertir un véhicule thermique en versions électrique ou hydrogène. En pratique, il s’agit de remplacer le bloc-moteur, le radiateur et le pot d’échappement par un kit de conversion dédié.

Encore émergente en France, cette pratique contribue à limiter les gaz à effet de serre (GES). Dans une étude parue l’an dernier, l’Ademe, l’agence de la transition écologique, estime que le retrofit d’un VUL ou d’un fourgon spécial réduit les émissions de 61 % par rapport au maintien d’un véhicule diesel. Et, de 56 % par rapport à l’achat d’un véhicule électrique. Concernant les poids lourds de 16 à 19 tonnes et les autobus, la baisse des GES s’élève à 87 % dans le premier cas et à 37 % pour le second. Fort de ce constat, l’Ademe estime qu’à l’horizon 2030, le marché potentiel du retrofit sera de 15 000 à 45 000 unités pour les poids lourds et autobus. Contre 70 000 à 270 000 unités pour les VUL.

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Grâce à sa conversion électrique, ce Renault Trafic pourra circuler dans une ZFE en 2030. © Phoenix Mobility

Des primes et des aides au retrofit

Autre moteur de développement pour le retrofit, les aides et les primes à la conversion. Prévues par le plan de soutien à l’automobile, ces dernières s’échelonnent de 5 000 euros à 7 000 euros, voire à 9 000 euros selon le poids du véhicule. À cette prime peuvent se cumuler des financements apportés par certaines collectivités territoriales. Dont la Grenoble Alpes Métropole qui propose une aide de 4 000 euros pour la conversion d’un VUL de moins de 2,5 tonnes et 6 000 euros au-delà. De quoi absorber une grande partie du coût du retrofit.

« Batterie comprise, le coût du rétrofit se situe en moyenne entre 20 000 et 25 000 euros pour un véhicule utilitaire », indique Arnaud Pigounides, vice-président de l’association AIRe (Acteurs de l’industrie du rétrofit électrique). Cette filière regroupe une quinzaine d’entreprises. Tous types de véhicules confondus, elles espèrent en convertir 5 000 cette année, 15 000 en 2023, 30 000 en 2024 et entre 50 000 et 100 000 en 2025. La part des VUL sera sûrement prédominante sachant que le retrofit préserve les aménagements déjà consentis dans les véhicules existants. Un argument de poids qui convaincra sûrement les nombreuses entreprises de TRM utilisatrices de VUL. Et pas que pour la livraison urbaine puisque, en 2021, l’interurbain et le longue distance ont mobilisé plus de 26 000 VUL. Un chiffre en constante augmentation.

Un phénomène qui n’a peut-être pas échappé aux acteurs du retrofit de VUL. Parmi lesquels, Carwatt, Phoenix Mobility, Retrofleet. Sans oublier, bien sûr, Rev Mobilities. Basée à Paris et Bordeaux, cette PME d’une vingtaine de personnes transforme différents types de véhicules dont les VUL, bus et poids lourds. Actuellement, l’entreprise travaille sur l’homologation en série d’une dizaine de véhicules de marques différentes. Obligations réglementaires obligent, ce processus est, pour l’heure, lent et onéreux. Mais chaque fois qu’un prototype de véhicule rétrofité est homologué par les autorités, il peut ensuite être reproduit à l’infini par son fabricant. « Nous avons enregistré plus de 900 précommandes de conversion de VUL », annonçait, en décembre dernier, Arnaud Pigoudines, le dirigeant de l’entreprise.

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Transition-One espère convertir en quatre heures un véhicule thermique en électrique. © Transition-One

Offre de leasing pour financer la conversion

Autre acteur historique du marché, l’entreprise Retrofleet intègre dans son équipe des spécialistes du digital et des batteries au Lithium issus du CEA. « Nous travaillons sur le retrofit depuis 2017 », explique Emmanuel Flahaut, président de l’entreprise qu’il a créée en 2020. Avec ses propres kits de conversion fabriqués en France, la PME d’une dizaine de personnes cible trois segments. À savoir, les VUL, les poids lourds et autocars ainsi que les véhicules industriels. En matière de VUL, ses kits de conversion sont dédiés aux Iveco Daily et aux Toyota Hilux. Pour les poids lourds et autocars, l’entreprise a développé une solution pour l’Iveco Crossway compatible avec les porteurs et tracteurs du même constructeur. « Actuellement, nos kits sont en cours d’homologation auprès de l’Utac. Ils devraient être disponibles à la fin de cette année », indique le dirigeant qui discute actuellement avec des transporteurs du dernier kilomètre et de la livraison périurbaine. Pour convertir les véhicules thermiques, Retrofleet s’appuie sur des joint-ventures qu’elle a créées avec des partenaires. Citons GTE, troisième groupe de carrosserie français avec lequel il fonde Mona Automotive. Ainsi que le groupe Besset, spécialiste de la maintenance des bus, autocars et poids lourds. Pour un véhicule de 3,5 à 7 tonnes, il faut compter de 30 000 à 35 000 euros (hors aide de l’État) sachant que des mécanismes sont en train de se mettre en place pour que des primes de bonification de 30 000 euros soient accordées aux véhicules les plus lourds. « Par ailleurs, nous proposons à nos clients une offre de leasing, en partenariat avec NeoT Green Mobility », rapporte le président de Retrofleet

Idem pour Phoenix Mobility qui a noué un partenariat avec l’entreprise Locam, une filiale du Crédit Agricole. À l’instar de Retrofleet, cette startup conçoit, développe et fabrique dans son usine située près de Grenoble ses propres kits de conversion. Déjà homologués par l’Utac, ils offrent aux véhicules entre 150 et 200 km d’autonomie réelle. « Pour démarrer, nous avons choisi de nous focaliser sur le Renault Trafic et, dans la foulée, sur le Renault Master », précise Antoine Desferet, un des cinq cofondateurs de l’entreprise. « Nous avons développé des kits standards et modulaires qui peuvent être adaptés à des modèles d’autres marques comme Citroën Jumper et Fiat Ducato », explique le cofondateur de l’entreprise. Laquelle compte cinq associés et une trentaine de collaborateurs. Aujourd’hui, pour convertir un Renault Trafic, il faut compter cinq jours entre la commande et la mise à disposition du produit. Ce délai passera à deux ou trois jours fin 2022. Par ailleurs, pour tenir ses délais, l’entreprise a entrepris de sécuriser son stock afin d’éviter les pénuries de composants. En 2022, elle compte convertir une centaine de Renault Trafic contre 1 500 en 2023. Côté finances, son objectif est d’être deux à trois fois moins cher que les véhicules neuf. « Soit entre 15 000 et 20 000 euros en tenant compte des aides de l’État et de la région », estime Antoine Desferet 

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Dans le cadre du projet Refactory sur le site de Flins (Yvelines), dédiée au reconditionnement de véhicules d’occasion à l’échelle industrielle, Renault espère d’ici 2023 proposer du rétrofit. © Renault

Renault s’intéresse au retrofit des VUL

Pour l’heure, les constructeurs de VUL, dans leur majorité, se contentent d’observer le marché qui se met en place. À l’exception de Renault qui finalise actuellement une étude afin d’offrir à ses clients une alternative abordable à l’achat d’un véhicule neuf. Si les résultats s’avèrent positifs, La marque au losange espère convertir les VUL d’ici 2023 dans le cadre du projet Refactory qui vise à transformer le site de Flins (Yvelines) en première usine européenne dédiée au reconditionnement de véhicules d’occasion à l’échelle industrielle et avec les mêmes standards de qualité que la fabrication de véhicules neufs.

Du côté des constructeurs de poids lourd, l’attentisme règne. Même si, dans les coulisses, ils ne cachent pas leur intérêt pour le retrofit. L’idée étant de remplacer les moteurs thermiques par une pile à combustible à hydrogène. De quoi augmenter le nombre de kilomètres parcourus dans la journée et réduire le nombre de recharges par semaine. Autre piste d’avenir, le retrofit thermique qui viserait à remplacer cette fois le moteur diesel par une motorisation bioGNV. Des tests d’homologation sont en cours sur un premier car de voyageur Iveco qui ne pourra prendre la route que si la réglementation le permet. Ce qui n’est pas encore le cas pour la conversion BioGNV.


© Eliane Kan – Article publié dans l’Officiel des Transporteurs