De plus en plus d’entreprises de transport forment leurs conducteurs à cette conduite économique et écoresponsable qui contribue à diminuer le poste carburant mais aussi la fatigue et le stress. Ce qui favorise l’attractivité de leur marque employeur.
Conduire avec souplesse, adopter une vitesse stable et modérée, préparer ses trajets pour mieux anticiper, couper le moteur lors d’arrêts prolongés… autant d’exemples de bonnes pratiques instituées par l’« écoconduite ». Cette démarche recouvre l’ensemble des comportements favorisant la baisse de la consommation de carburant et des émissions de CO2. « Les entreprises qui souscrivent à cette démarche font une économie de carburant de l’ordre de 10 % à 15 % auxquels s’ajoutent d’autres bénéfices en termes de réduction des coûts d’entretien du véhicule, de baisse de la sinistralité, du stress et de la fatigue du conducteur » fait valoir Isabelle Maimbourg, directrice générale adjointe du développement et l’appui aux politiques paritaires à OPCO Mobilités. Laquelle constate, depuis cinq à six ans, un nombre grandissant de demandes de formation en écoconduite.
Pour former leurs conducteurs, les entreprises ont le choix soit de s’appuyer sur leurs formateurs en interne, soit de recourir à des organismes de formation certifiés Qualiopi. Dans les deux cas, pour que les performances soient durables, le chef d’entreprise doit s’impliquer et communiquer auprès des salariés sur les bénéfices accomplis en faveur du climat et de l’environnement. Ce qui offre l’avantage d’améliorer l’attractivité de la marque employeur et de fidéliser les donneurs d’ordre qui ont l’œil rivé sur les émissions de CO2 de leurs prestataires de transport.
Pour encourager les entreprises à adopter l’écoconduite, une aide à son financement est mise en place depuis l’an dernier dans le cadre du Fond national de l’emploi- formation. « Cette subvention couvre la totalité des frais de la formation des conducteurs et prend en charge leur salaire à hauteur de 13 euros de l’heure », fait savoir Loïc Charbonnier, PDG de l’Aftral qui dénombre 750 formateurs en écoconduite dont 250 experts. Ce dernier propose un module d’écoconduite de sept heures associant théorie et pratique à parts égales. 956 personnes ont déjà été formées.« A la fin du stage, nous délivrons au conducteur un bilan chiffré individuel sur son temps de freinage, consommation du véhicule, etc. », explique le dirigeant qui propose une nouvelle formation au personnel d’encadrement. Ce qui leur permet de se familiariser aux enjeux écologiques.
Bien sûr, Aftral n’a pas l’apanage des formations à l’écoconduite. Parmi les autres intervenants du marché, citons Promotrans, Actua Formation et CGI Formation. En plus des formations en présentiel et en distanciel, ce dernier propose un suivi en continu à distance des conducteurs. Ce qui permet de garder durablement les acquis de la formation. Une offre à laquelle a souscrit notamment Vingeanne Transports (100 moteurs) qui compte 300 collaborateurs dont 115 conducteurs. En plus de la formation continue obligatoire (FCO), ces derniers suivent au moins une journée de formation personnalisée à l’écoconduite tous les dix-huit mois. Cette démarche s’avère rentable puisqu’en l’espace de quatre ans, sa consommation moyenne au 100 kilomètres est passée de 31 litres à 29 litres actuellement. « Désormais, nous gagnons un demi-litre aux 100 km par an », fait valoir Jean-Claude Plâ, président du conseil de surveillance de l’entreprise qui a mis en place cette démarche avec CGI Formation, spécialiste de l’écoconduite. Chaque jour, ce dernier récupère en temps réel les données télématiques des conducteurs qui lui sont délivrées par la plateforme de traçabilité S3PWeb à laquelle est abonnée Vingeanne. Ces informations sont alors analysées par la plateforme Fuel Cost Control, opérée par son prestataire de formation. Ce qui permet d’avoir une évaluation continue du comportement au volant des chauffeurs et d’identifier les quatre conducteurs qui bénéficieront d’un suivi personnalisé pendant un mois. Une fois par semaine, ils recevront l’appel d’un formateur de CGI Formation qui leur fixera des points d’amélioration à atteindre. « En outre, nous organisons un challenge intra-entreprise qui récompensera les trois meilleurs conducteurs sur une période donnée », rapporte le dirigeant qui constate des améliorations sur d’autres postes tels que l’entretien du freinage et des pneumatiques ainsi que la diminution des réserves clients. « En matière de sinistralité, nous n’avons pas eu d’augmentation de la part de notre assureur pour l’année 2024 car notre rapport sinistre/prime est en moyenne inférieur à 0,4 sur les trois dernières années », indique Jean-Claude Plâ.
Des gains qui ne surprendront pas Christophe Ganon, dirigeant de CGI Formation. Basée à Gradignan (33), l’entreprise intervient dans toute la France avec sa trentaine de formateurs. « Nous effectuons un suivi continu auprès de 10 000 conducteurs travaillant dans 200 entreprises », indique-t-il. En plus du suivi personnalisé avec un formateur en distanciel, les conducteurs disposent de l’appli mobile d’écoconduite Fuel Cost Control Driver. L’objectif étant de les responsabiliser et de leur lancer des défis. « Chaque semaine, l’appli leur envoie des notes et des indicateurs sur leur comportement au volant, leur consommation moyenne, le régime moteur de leurs véhicules, etc. », explique Christophe Ganon. Son appli est d’ailleurs utilisée en interne par des entreprises ou par des groupements d’entreprises comme Evolutrans, FLO, France Benne, France Plateau ou Tred Union pour créer des challenges. Ce qui contribue sûrement au succès de CGI Formation qui enregistre une croissance des demandes de plus de 30 % par an.
Autre levier de motivation pour amener durablement les conducteurs à l’écoconduite, c’est d’en partager les bénéfices. D’ailleurs, c’est ce que propose Léco France, une entreprise spécialisée dans l’accompagnement des conducteurs à l’aide d’une appli. « En plus des vidéos de formation, elle embarque un GPS poids lourd qui calcule les trajets en fonction du gabarit de leurs véhicules », explique Vincent Barremaecker, président de Léco qui compte une vingtaine de clients et suit plus de 3 000 conducteurs. En complément de ce dispositif digital, un formateur assure un fois par mois un suivi par téléphone avec les conducteurs qui ont besoin d’être fidélisés. En moyenne, un conducteur peut gagner sur l’année 600 euros de bons d’achats sachant que les meilleurs obtiennent au-delà de 2 000 euros.
© Eliane Kan et Erick Haehnsen / Agence TCA