Malgré une inflation contenue à 2 %, les coûts augmentent de 5,5 % sur fond de perte d’activité à deux chiffres % en 2023. Pas d’amélioration en vue d’ici fin 2024 et début 2025.
Victime d’un contexte économique morose, la croissance de l’activité du transport routier de marchandises (TRM) plonge de 2,8 % à -2,7 % entre le 1er et le 2ème trimestre 2024. Après un pic en mai 2024, les indicateurs de conjoncture de l’Insee (climat des affaires) pour le secteur du TRM et de la messagerie accusent une dégradation depuis le milieu de l’année. Selon l’enquête Conjoncture économique et coûts du transport routier du Comité national routier (CNR) parue en octobre 2024, l’inflation a baissé en France de 1,80 % en août à 1,2 % en septembre. En moyenne, sur l’année, elle ne devrait pas excéder 2 %.
La baisse de l’inflation ne profite pas au TRM
Cependant, les transporteurs, et notamment ceux du General Cargo, ne vont pas en retirer les bénéfices. En effet, l’inflation de leurs coûts, hors carburant, reste autour de 5,5 % en moyenne annuelle, soit près de trois fois l’inflation générale. A cela, s’ajoute, la politique de réduction des dépenses et de hausses d’impôt que veut instaurer le gouvernement Barnier. A cet égard, le CNR rapporte que l’indice d’usage des infrastructures (péages et taxes à l’essieu) augmente de 3,5 %, l’indice des frais de déplacement de 5,2 % et l’indice Conducteur de 7,4 % en longue distance (7,1% en régional) en moyenne sur 12 mois. Conséquence, l’Insee anticipe désormais une baisse globale de l’investissement à hauteur de 1,7 % pour 2024 en France. Quant au taux de chômage, il pourrait remonter légèrement en 2025.
Recrudescence d’appels d’offre pour réduire les tarifs
« En 2023, la baisse d’activité chez Astre au niveau européen a été d’environ 10 % dans le General Cargo (hors logistique et activités connexes) par rapport à 2022. De nombreux clients ont relancé les appels d’offres car ils étaient eux-mêmes à la peine. Considérant le transport non pas comme une valeur ajoutée à) leurs produits mais comme une simple charge, ils recherchent à tout prix des économies en tentant de faire baisser les tarifs de transport, décortique Denis Baudouin, président du groupement européen Astre qui compte 160 transporteurs et logisticiens indépendants pesant un chiffre d’affaires cumulé de 4,2 milliards d’euros pour près de 20 000 collaborateurs dans plus de 400 implantations (chiffres 2023). En 2024, nous nous attendons à une nouvelle contraction de l’activité dans ce domaine. »
Baisse de la rentabilité
« Les prix de revient du General Cargo ne cessent d’augmenter alors que les prix de vente baissent, insiste Denis Baudouin. Ajoutons que de nombreux transporteurs ne calculent pas correctement leurs prix de revient. Les chefs d’entreprise et leurs commerciaux se focalisent trop souvent sur les prix du marché pour répondre aux sollicitations de leurs clients, ce qui ne représente pas la réalité de leurs coûts internes. Résultat, leur rentabilité se dégrade et ils creusent petit à petit leur tombe. »
Certains postes pourraient ne pas être renouvelés
Bien sûr, d’autres transporteurs sont outillés pour surveiller leur marge. « Nous comptabilisons une hausse d’activité de 17 % entre 2022 et 2023 2024 mais une rentabilité qui baisse de 26 % sur la période », résume Gaëtan Maurel,co-gérant du Groupe Maurel basé à Monans (81) qui réalise 40 millions d’euros de chiffre d’affaires et embauche 290 salariés dont 250 chauffeurs. Outre les sociétés Transports Maurel (bennes TP), Transports Mestre (citernes) et Transports Rigal (bennes grand volume), les sociétés Transports Andrieu et Transports Maurel-Tarnais réalisent 30 % du chiffre d’affaires du groupe dans le General Cargo. « Nous avions connu une activité soutenue en 2023 avec des difficultés à recruter. Depuis deux ou trois mois, la tendance s’est inversée. En cette période de baisse d’activité, si un départ survenait, je ne renouvellerais pas le poste avant mars ou avril 2025 », reprend Gaëtan Maurel.
Aucun secteur client ne compense l’autre
Pour sa part, avec une hausse de 5 % à 185 millions d’euros en 2023 pour 1 000 salariés, 600 moteurs et 950 remorques, le groupe Portmann réalise 80 % de ses revenus Transports dans le General Cargo. « Suite aux années fastes post-covid, nous sommes aujourd’hui dans un marché d’ajustement à la baisse avec des secteurs d’activité qui, chez nos clients, évoluent de manières différenciées, explique Jean-Michel Bauer, directeur général du groupe Portmann basé à Sausheim (68). Nous nous attendons à maintenir notre niveau d’activité pour 2024 avec des tensions sur les marges. » Ainsi le tassement est-il sensible dans l’automobile, la sidérurgie et le bâtiment tandis que l’industrie, la distribution et l’alimentaire résistent mieux. « Mais aucun secteur ne compense l’autre », poursuit Jean-Michel Bauer.
Légère détente dans les recrutements
« Malgré de fortes disparités dans les différentes régions d’Europe, on assiste à une légère détente dans les recrutements, constate Denis Baudouin. En revanche, le rapport au travail a changé. En particulier, les attentes des conducteurs portent moins sur le longue distance que sur le régional et le local. En effet, ils recherchent davantage l’équilibre entre vie perso et vie pro. » Et le président du groupement Astre de déplorer le manque de main d’œuvre dans les ateliers de maintenance ainsi que dans les services d’exploitation. « D’une manière générale, le recrutement s’améliore par rapport à 2021-2022 d’autant que, dans cette période d’incertitude, les salariés sont moins tentés de changer d’employeur », remarque Denis Baudouin.
Rentabiliser au plus tôt les investissements
Dans un tel contexte, les investissements font l’objet d’une grande sélectivité. « Nous allons limiter nos renouvellements et nous ne prévoyons aucune croissance externe, indique Gaëtan Maurel. Nous restons en veille sur les innovations en termes de motorisation électrique. Nous n’investirons dans ce domaine qu’en partenariat avec un gros client. » De son côté, Portmann poursuit, grâce à sa solide structure financière depuis son rachat par la Poste Suisse il y a un an, ses investissements dans le transport combiné rail-route : « Dès janvier 2025, nous proposerons 26 Unités de transport intermodal (UTI) par jour dans les deux sens entre Paris et Metz, confirme Jean-Michel Bauer. Nous prévoyons d’augmenter l’activité de 5 % et d’améliorer la rentabilité en 2025. Nous pouvons accepter une année difficile mais pas deux. »
© Erick Haehnsen / Agence TCA