Dans la perspective de la Coupe du monde de rugby et des JOP Paris 2024, il manquerait près de 25 000 agents de sécurité privée. Pourrait-on les remplacer par des drones ? Là n’est pas la question. La justification de la dronification de la sécurité privée ne porte que sur l’augmentation de l’efficacité opérationnelle de la sécurité-sûreté.
Avec plus de 183 000 salariés pour près de 12 000 entreprises qui, selon l’Observatoire des métiers de la sécurité privée, réalisent en 2020 un chiffre d’affaires cumulé de 7,920 milliards d’euros, le secteur accuse une pénurie structurelle de main-d’œuvre sur un marché en baisse globale de 0,5 % (par rapport à 2019). « La pénurie concerne plus de 15 000 poste. Mais, dans la perspective de la Coupe du monde de rugby de 2023 ainsi que des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, il en manquerait environ 10 000 de plus, estime Servan Lépine, administrateur du Groupement des entreprises de sécurité (GES) – qui représente 83 % de la filière – et président de la Commission « Technologies ».
Ces grands événements pourraient fournir l’occasion de démontrer l’intérêt de ces nouvelles technologies. En particulier les drones statiques auto-alimentés capables de surveiller en continu d’importantes surfaces, notamment pour gérer les abords des sites et les flux. Des solutions existent sur le marché au travers de dizaines de fournisseurs. En revanche, nous n’avons pas encore observé de volonté manifeste de la part des instances publiques de développer le couple ‘‘agent de sécurité/drone’’». Pourtant, la pénurie de main-d’œuvre dans la sécurité privée pourrait certainement attirer des candidats et valoriser les missions des agents à travers ce type de prestation.
Agents de sécurité : ambassadeurs du drone
Certains y croient dur comme fer. À l’instar de Christian Viguié, au départ PDG de Delta Drone, un fabricant de drones stationnaires créé en 2011 et basé à Dardilly (69) qui, en 2019, a racheté le groupe de sécurité privée ATM basé à Montbonnot (38). C’est donc une société digitale réalisant un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros qui acquiert une société d’activité traditionnelle employant 500 personnes et réalisant 15 millions d’euros dans la surveillance de sites industriels et administratifs ainsi que dans l’événementiel en régions AuRA et PACA. Sous la marque ISS Spotter, Delta Drone exploite des drones autonomes qui effectuent leurs missions à partir d’une station d’accueil ainsi que des drones géostationnaires à une altitude de 40 à 60 m grâce à un ombilic fournissant, en autres, l’énergie en continu.« Ces drones peuvent lire une plaque d’immatriculation à 600 m, identifier une forme humaine à 3 km, voire distinguer une activité suspecte sur un bâtiment à 7 km », reprend Christian Viguié qui a su convaincre les deux dirigeants d’ATM par sa stratégie basée sur l’inexorable évolution de la sécurité privée vers la dronification. Mais avec une combinaison particulière : comme toute innovation, les produits digitaux rencontrent une forme de réticence de la part des utilisateurs. Une société de sécurité privée alliée à une société de technologie peut faciliter l’adoption de l’innovation. « En utilisant nos produits High-Tech chez nos clients, nos agents de sécurité vont en désacraliser l’usage. Lors d’un incident, le drone va aider les équipes de sécurité à évaluer le danger en avance d’intervention. Ce qui permet de dimensionner les moyens d’intervention, insiste Christian Viguié.
Pour l’heure, le marché de Delta Drone et ATM ne fait que démarrer. L’occasion de finaliser l’offre commune. « Nous avons validé certains aspects de la conception de nos produits grâce au retour terrain des agents d’ATM, poursuit Christian Viguié. Reste que marier une entreprise traditionnelle avec une entreprise de technologie réclame du temps. Il ne faut pas brûler les étapes. » Parmi les améliorations, les agents d’ATM ont ainsi demandé la fonctionnalité ‘‘Click and See’’ qui consiste à pointer l’intervention du drone directement vers le site de l’intrusion détectée. « Sur le terrain, beaucoup de sociétés de surveillance et de donneurs d’ordre se tournent aujourd’hui vers des technologies complémentaires à leurs dispositifs actuels de sûreté car elles sont disponibles et accessibles, constate Nicolas Billecocq, directeur général d’Azur Drones, fabricant et fournisseur de services de drones et de stations d’accueil créé en 2012. Ces technologies, comme les drones aériens et terrestres, renforcent à la fois la transformation digitale de leur organisation de sécurité et augmentent l’efficacité opérationnelle de leurs dispositifs de sécurité. »
Bref, pour cet acteur qui, basé à Mérignac (33), emploie 65 salariés, le drone ne remplace en aucun cas l’intervention humaine. Que ce soit pour de la levée de doute, des rondes automatiques ou des images en continu, le drone n’a pas son pareil pour fournir aux équipes au sol une vision précise de la situation à appréhender. Le drone ne va donc pas se substituer aux systèmes d’alerte ni aux opérateurs humains.
Que ce soit pour de la levée de doute, des rondes automatiques ou des images en continu, le drone n’a pas son pareil pour fournir aux équipes au sol une vision précise de la situation à appréhender. Le drone ne va donc pas remplacer les systèmes d’alerte ni les opérateurs humains. « C’est un appui opérationnel aérien qui offre aux agents de sécurité un schéma d’intervention enrichi », résume Franz Thiriet, directeur associés et directeur des opérations de Cyberdrone Guarding.
Créée en 2017, cette filiale drone du groupe Morel emploie une soixantaine de salariés dans la télésurveillance et autres activités de sûreté. En leur évitant d’aller sur zone à l’aveuglette – ce qui peut être dangereux -, le drone met en protection des équipes au sol. En outre, ce cyber-agent aérien va sur zone en moins de deux minutes. De plus, il envoie les images bien avant d’arriver sur l’événement. En clair, il augmente la capacité des opérateurs et élève le niveau de sûreté du site. Une chose est sûre : le manque de main-d’oeuvre va certes contribuer à accélérer la courbe d’adoption du drone. « Mais c’est une conséquence, pas la cause », insiste Franz Thiriet.
Erick Haehnsen