Avec la pénurie des véhicules neufs, l’allongement des délais de livraison et le durcissement des réglementations urbaines, le marché des VO se porte bien. Pour séduire les acquéreurs, les constructeurs rivalisent de services.
Le marché du véhicule d’occasion se porte bien. Selon le Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), il s’est vendu en 2021, 53 500 unités et 23 172 cette année. Des chiffres en ligne avec ceux de 2019. Toutefois, trouver des véhicules qui cochent toutes les cases devient de plus en plus compliqué pour les acquéreurs. Et pour cause : la pénurie des véhicules neufs et l’allongement des délais de livraison entraînent mathématiquement une baisse des VO disponibles. Et ce, dans la mesure où la majeure partie de l’offre VO est composée historiquement de reprises concomitantes à la livraison des VN. D’où un impact sur les prix et les délais de rotation qui s’élèvent actuellement à une trentaine de jours.
Stocks de VO en baisse
« Nous constatons en moyenne une augmentation des prix de l’ordre de 15 % à 20 %, sachant que cette hausse peut être encore plus élevée sur certains véhicules particulièrement recherchés », indique Jean-Michel Mercier, directeur de l’Observatoire du véhicule industriel (OVI) chez BNP PARIBAS. Ce dernier constate d’ailleurs un rajeunissement des tracteurs. « La majorité des VO ont entre quatre et cinq, voire trois ans, avec un kilométrage en moyenne de 120 000 km du fait d’une rotation très rapide des grands parcs. Leur mode de financement s’établit principalement au comptant et à crédit mais aussi en leasing, une formule qui tend à se démocratiser », explique Jean-Michel Mercier. Chez les constructeurs qui ont vu fondre leur stock de VO, la situation devrait s’arranger l’an prochain, de l’avis de Kamal Iznasni, coordinateur ‘‘véhicules d’occasion’’ pour Scania France qui prévoit un retour à la normale à la fin du premier trimestre 2023. Pour ce dernier, l’une des raisons de la pénurie repose sur le fait que les véhicules acquis en mode Buy-Back ne sont toujours pas revenus. « Les entreprises, qui devaient nous les rendre, ont dû opérer des extensions à leurs contrats de sorte à les conserver jusqu’à l’arrivée de leurs nouveaux PL », rapporte Kamal Iznasni.
Modification du comportement des acheteurs
Côté constructeurs, les transactions portent majoritairement, pour l’heure, sur des Euro 6. Néanmoins, avec la pénurie, les clients français deviennent moins exigeants. Il y a quelques années, ils recherchaient des véhicules de 3 ou 4 ans avec 350 000 km au compteur. « Désormais, ils sont prêts à acheter des VO de 4 ou 5 ans avec jusqu’à 450 000 kilomètres au compteur », rapporte Kamal Iznasni. Le cœur de la demande concerne en général des porteurs, frigo, bras et bi-benne ainsi que des tracteurs. Des véhicules qui peuvent être vendus de 15 % à 50 % moins chers que les modèles neufs.
La diminution des véhicules disponibles due au prolongement des Buy-Back touche tous les constructeurs. En témoigne Volvo. « Habituellement, nous vendons en France 1 800 camions d’occasion par an mais cette année, nous comptons en vendre 1 400 à raison de 100 à 120 véhicules par mois », estime Jean-Philippe Wilmet, le directeur VO de Volvo qui, pour sa part, anticipe un retour à la normale dans les deux ans. Et ce, dans la mesure où le constructeur prévoit de livrer des véhicules neufs sur le premier trimestre 2023. Pour pallier la pénurie de VO, ce dernier est aussi amené à vendre des véhicules de plus en plus kilométrés. « Nous les garantissons jusqu’à 800 000 km alors qu’auparavant, la barrière psychologique s’arrêtait à 500 000 contre 600 000 aujourd’hui. Il s’agit essentiellement des tracteurs de type FH ou FM, des diesels, dans une écrasante majorité », poursuit Jean-Philippe Wilmet.
À cet égard, Volvo propose à ses clients concernés par les ZFE de transformer leur diesel en B100 irréversible pour un surcoût de 5 000 euros sachant qu’il existe des aides pour financer ce retrofit. Les véhicules en question, une dizaine par mois, sont essentiellement des tracteurs grands routiers estampillés Volvo Selected. « Ce qui signifie qu’ils ont été sélectionnés à l’issue d’un contrôle qui porte à minima sur 200 points, souligne Jean-Philippe Wilmet. Parmi lesquels, les organes fonctionnels liés à la sécurité, la chaîne cinématique, les éléments de liaison au sol, de stabilité et de sécurité qui, si besoin, sont actualisés suivant les derniers standards de qualité. Ensuite, un essai routier complet valide l’examen du véhicule. »
Le retrofit diesel en B100 disponible aussi chez MAN
L’offre de rétrofit des véhicules d’occasion de diesel au B100 se développe en France comme le constate MAN qui le propose sur ses gammes de tracteurs. « Deux jours suffisent pour assurer la transformation », indique Axel Dumas, directeur de la division VO de MAN. Ce dernier estime que d’ici 5 à 6 ans, MAN disposera d’une double offre VO, d’un côté les B100 éligibles au Crit’Air 1 et les VO électriques. « Pour l’heure l’offre électrique n’existe pas encore, cela va prendre encore deux ans mais quand ils seront disponibles, ces véhicules pourront faire deux fois trois ans et donc avoir une deuxième vie en VO », estime Axel Dumas.
Aujourd’hui, avec la pénurie des véhicules neufs, ce dernier constate que les immatriculations de véhicules sont stables. En effet, plutôt que de rendre leurs véhicules au terme du Buy-Back, les clients préfèrent les racheter pour sécuriser leur flotte. Du coup, le marché global est relativement dynamique par rapport à l’an dernier avec un moindre taux de conquête de nouveaux clients. Principale raison évoquée, le prix des VN a fortement augmenté. Dans ce contexte, il y a une légitimité à acheter des VO qui offrent un coût de détention plus intéressant. « Cela intéresse les transporteurs qui, avec le Covid, se sont recentrés sur la distribution régionale. Cette activité requiert un moindre kilométrage en moyenne, comparé au transport de fret longue distance. Du coup, le VO devient attractif à l’achat, estime Axel Dumas. D’ailleurs que le renouvellement des flottes va se limiter. La course aux véhicules neufs acquis en Buy-Back va légèrement diminuer dans le futur. Quant aux entreprises de transport qui recourent à des prestataires, l’ajustement du parc les poussera à davantage sous-traiter. »
De son côté, Iveco a vu son stock de VO divisé par quatre ou cinq. À la mi-juin, il ne lui restait que 120 à 130 véhicules Euro 6, dont les plus anciens datent de 2018. Il s’agit de poids lourds se trouvant en fin de contrat Buy-Back avec un kilométrage de 300 000 km à 400 000 km pour les diesels et 500 000 km pour les Iveco Stralis roulant au gaz. En dépit de la hausse du prix du gaz, ces derniers intéressent notamment les entreprises qui mènent une démarche environnementale et qui font de petites rotations. « Moins coûteux que les VN (entre -50 % et -60 %), ces VO gaz bénéficient d’une remise en état dans le cadre du label OK Truck Premium, précise Miguel Gonzalez, directeur de l’activité VO chez Iveco. Cela comprend notamment le changement des pneumatiques, système de freinage, l’électronique et châssis. » En outre, ces VO sont vendus avec les mêmes services d’entretien et de garantie Iveco que les VN comme la location avec Buy-Back, les contrats de maintenance, la garantie constructeur ainsi que la connectivité. « Nous souhaitons en vendre entre 80 et 100 en France », indique le directeur service d’Iveco qui propose aussi à ses clients de convertir leur poids-lourd GNL (gaz naturel liquéfié) en GNC (gaz naturel comprimé). L’offre est susceptible de les intéresser pour deux raisons. D’abord, le GNC est plus simple à gérer et il est plus facilement disponible en station. Ensuite, des aides publiques régionales à l’acquisition de VO roulant au GNC émergent. C’est notamment le cas dans le Grand Lyon. De quoi booster le marché de l’occasion.
© Eliane Kan et Erick Haehnsen