Pour limiter l’hécatombe qui se produit chaque année sur les routes européennes, les autorités instituent une dizaine de systèmes d’assistance électronique dans les véhicules neufs immatriculés en 2024. De quoi pallier aux défaillances humaines.
Vitesse excessive, défaut de vigilance, mauvaise évaluation des distances de sécurité… autant d’erreurs qui peuvent avoir des effets tragiques sur la route. Chaque année, on dénombre sur les routes européennes un peu plus de 20 000 morts et 140 000 blessés. Pour réduire cette hécatombe, de nouveaux systèmes d’assistance à la conduite s’invitent à bord de tous les véhicules neufs, y compris les poids-lourds et camionnettes. Des équipements imposés par le règlement (UE) 2019/2144 également connu sous le nom du règlement GSR2 (General Safety Regulation, en français règlement sur la sécurité générale) du Parlement européen et du Conseil de l’Europe. Le texte entre en application ce 7 juillet pour toutes les immatriculations neuves, tandis que depuis le 6 juillet 2022, il ne concernait que les véhicules homologués.
Une classification de A à E
Concernant les poids lourds (PL), le texte prévoit d’intégrer une dizaine de systèmes d’assistance électronique. Conçus notamment pour pallier les défaillances humaines, ceux-ci se répartissent en plusieurs classes allant de A à E. Citons la classe B, qui porte sur la protection des usagers vulnérables de la route grâce à un avertisseur de risque de collision avec un piéton ou un cycliste situé devant le véhicule. À cela s’ajoutent des systèmes d’information pour les angles morts et la marche arrière afin de détecter la présence d’usagers se trouvant sur les côtés ou à l’arrière du véhicule. La classe C impose la surveillance de la pression des pneus et, pour les véhicules ayant une conduite autonome, un système d’urgence de maintien de trajectoire. De son côté, la classe D concerne la protection contre les cyberattaques et les instruments de bord. Elle prévoit une assistance intelligente en cas de dépassement de vitesse ainsi qu’un signal d’arrêt d’urgence automatique, par allumage des feux stops et des warnings en cas de ralentissement ou de freinage brusques. Enfin, la classe E vise notamment à alerter le conducteur en cas de somnolence ou de perte d’attention et comporte d’autres dispositions pour les voitures à conduite autonome. Par exemple, un système de surveillance de la disponibilité du conducteur. Pour terminer ce tableau, notons qu’en 2029, un enregistreur de données sera rendu obligatoire afin de faciliter l’analyse des accidents. « En outre, en 2026, un système basé sur une caméra permettra de reconnaître et de prévenir la distraction du conducteur », indique Rémi Lemoine, responsable des homologations au sein du groupe Volvo France.
Systèmes à multiples sources de données
L’installation de la plupart de ces systèmes n’est pas une nouveauté pour les constructeurs qui ont anticipé la règlement GSR2. Certains vont même un cran plus loin pour apporter encore plus de sécurité à leurs utilisateurs. À l’instar de Mercedes avec l’Active Brake Assist 6 (ABA 6), un système avancé de freinage d’urgence conçu pour réduire le risque de collision avec des véhicules, piétons et autres obstacles. Intégré en série, il s’appuie aujourd’hui sur la fusion de données qui combine les informations provenant des radars, LiDAR et caméras. « Fonctionnant jusqu’à 90 km/h, ce système arrête automatiquement le véhicule en cas de présence d’un obstacle mouvant ou non devant le camion, sans que le conducteur n’intervienne », souligne Olivier Amelineau, responsable presse de Mercedes-Benz Trucks France.
L’utilisation de multiples sources de données est également utilisée par Volvo Trucks pour aider le conducteur à maintenir le véhicule dans sa voie lorsqu’il circule sur autoroute. En témoigne la nouvelle version du Pilot Assist, proposée depuis février dernier dans la gamme haute FH, FM et FX. Elle combine la surveillance des lignes et l’option d’assistance de direction dynamique. En cas d’écart, le système alerte le conducteur et guide le camion vers le centre de la voie. L’assistance à la stabilité détecte quant à elle les dérapages et contre-braque immédiatement pour stabiliser le véhicule. De quoi assurer une conduite plus sûre et détendue au chauffeur, « qui se doit de garder les deux mains sur le volant », rappelle Etienne Schmittbiel, manager produit chez Volvo Trucks France.
MAN se positionne aussi sur le registre de la conduite autonome avec la fonction MAN CruiseAssist, qui aide le conducteur à maintenir la distance, la vitesse et la position dans sa voie. L’an prochain, il ira un cran plus loin comme nous l’indique Mathieu Pierrat, chef de produit camion MAN : « Nous commercialiserons un système qui prendra la main sur le véhicule s’il détecte que le conducteur fait un malaise grâce à son détecteur de fatigue. » Dès lors, le véhicule va opérer un freinage progressif pour ralentir puis s’arrêter sur la route.
Des systèmes qui vont au-delà de GSR2
Renault Trucks va également au-delà de la réglementation GSR2 puisqu’il propose, entre autres, une détection des cyclistes et piétons des deux côtés du véhicule alors que le règlement européen se limite au côté droit. « En outre, nos véhicules vont embarquer dès la fin de l’année un système de rétroviseur numérique conçu pour que le conducteur ne souffre ni de reflet ni d’éblouissement durant la conduite de nuit », fait valoir Renaud Laperrière, responsable Produits chez Renault Trucks, qui travaille étroitement à l’intégration du GSR2 dans la carrosserie avec la quasi-totalité des carrossiers français.
On s’en doute, la prise en main des différentes aides à la conduite s’accompagne d’une journée de formation qui peut être intégrée dans le prix du véhicule. C’est d’ailleurs le cas chez Scania, qui dispose de 34 formateurs en France. Ces professionnels dispensent aux conducteurs une formation d’une journée en les accompagnant dans leur tournée. « Cela contribue à optimiser l’utilisation du véhicule, sa consommation et sa sécurité », indique Christophe Massias, responsable formation et services connectés chez Scania.
Bien sûr, les organismes de formation ont aussi pris le train des aides à la conduite. Des systèmes que les conducteurs vont découvrir au gré du renouvellement des flottes. Certains d’entre eux pourraient d’ailleurs être tentés de les déconnecter. D’où l’importance des formations. « Il est important de les rassurer et de leur expliquer l’intérêt de ces systèmes pour leur sécurité et celles des autres usagers de la route », souligne Christophe Ganon qui dirige de CGI Formation, une entreprise qui dispense notamment des formations d’aide à la conduite, par exemple, sur une demi-journée sur un parcours comparé. L’Aftral n’est pas en reste. « Nous avons intégré dans toutes nos formations un module théorique sur les véhicules connectés à internet et sur les aides à la conduite, indique Sigolène Petit Jean, directrice service Digital & Communication à Aftral. D’ailleurs, nos formateurs sont eux-mêmes formés à de nouvelles technologies embarquées dans les véhicules. »
© Eliane Kan et Erick Haehnsen / Agence TCA