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Bourses de fret et plateformes numériques creusent leur sillon digital

Pour contrer les vols de fret par usurpation d’identité, les plateformes multiplient les contrôles à l’inscription. © Agence TCA / Image générée avec ChatGPT
Article publié dans L’Officiel des Transporteurs - Le 9 juillet 2024

Ces acteurs multiplient les usages de l’intelligence artificielle (IA) pour mieux faire correspondre l’offre et la demande. Ils s’impliquent aussi de plus en plus dans les processus métiers grâce à l’interfaçage de leur plateforme avec les systèmes de gestion du transport (TMS).

Pour réduire les coûts de transport et les kilomètres à vide, les professionnels du transport routier de marchandises (TRM) font quotidiennement appel aux bourses de fret comme B2PWeb, Teleroute et Timocom ainsi qu’aux opérateurs de services numériques comme Upply, XPO Logistics ou Transporeon. En 2024, ces plateformes ne se contentent pas de mettre en relation l’offre et la demande. Elles sont de plus en plus nombreuses à proposer aux donneurs d’ordre de lancer des appels d’offres auprès de transporteurs triés sur le volet pour sécuriser leurs transports. Et pour cause ! Partout dans le monde, les observateurs pointent du doigt une hausse de vols de fret liés à des détournements de marchandises et des usurpations d’identité. 

On comprend pourquoi les bourses de fret et autres opérateurs de services numériques redoublent de contrôles pour authentifier les nouvelles inscriptions et sécuriser ainsi les transports de marchandises. Par ailleurs, ces acteurs s’impliquent de plus en plus profondément dans les processus métiers du TRM en aidant leurs utilisateurs à mieux planifier, gérer et suivre les opérations de transport. En plus de fournir des calculateurs de trajet, des outils pour optimiser les itinéraires et gérer les documents, les opérateurs s’interfacent avec les systèmes de gestion du transport (TMS) et les plateformes de visibilité du marché. Ils adoptent l’intelligence artificielle (IA) pour proposer des recommandations ou pour que les besoins des expéditeurs correspondent au mieux à aux ressources des transporteurs.

Un an après son lancement, Upply dénombre 10 000 transporteurs © Upply

Amélioration de l’activité en 2024

Après l’année 2023 marquée par une baisse de la demande de transport, la situation des transporteurs de fret s’améliore avec une augmentation de 2,7% au premier trimestre 2024 pour l’activité de transport routier intérieur de marchandises des véhicules immatriculés en France. La tendance est encore plus forte dans le reste de l’Europe selon l’opérateur de bourse Timocom qui produit un baromètre disponible sur le net. L’entreprise compte 55 000 clients dans 46 pays européens dont 1 500 en France. Il publie jusqu’à 1 million d’offres de fret et véhicules disponibles par jour. Son baromètre montre que, pour les destinations intra-européennes, la proportion entre les offres de fret et les véhicules disponibles en temps réel s’élève respectivement à 72 % et 28 %. « Nous sommes proches des niveaux historiques de 2022 avec des volumes de chargement très élevés dans notre bourse de fret », commentait en juin dernier Tommaso Magistrali, chef de l’équipe commerciale pour l’Europe de l’ouest chez Timocom. Concernant les demandes de liaisons des pays d’Europe vers la France, la proportion entre les offres de fret et les véhicules disponibles était de 48 % et 52 %. Inversement, les demandes de la France vers les pays européens se sont établies à 15 % et 85 %. Quant aux relations France-France, cette proportion était de 67 % pour 33 %, signe d’une pénurie de conducteurs qualifiés.

Teleroute propose à ses utilisateurs une garantie de paiement de leur facture © Teleroute

Digitaliser la négociation 

Dans ce contexte, pour aider ses clients à accélérer les transactions, Timocom digitalise l’étape de la négociation. Désormais, les transporteurs peuvent déposer des offres de prix en réponse à une demande de fret, évitant ainsi de négocier la transaction par téléphone et de perdre en traçabilité. À charge pour Timocom d’informer les intéressés lorsque leur offre a été retenue. Quant à l’affréteur, il y gagne en comparant plus facilement les différentes offres. En outre, ce processus évite les risques d’usurpation d’identité qui peuvent survenir lorsque la négociation se passe par téléphone. À cet égard, Timocom a noué un partenariat avec une entreprise qui utilise l’IA afin de vérifier que les documents des 55 000 clients, comme l’assurance, la licence intracommunautaire de transport, etc., sont bien à jour. Au niveau opérationnel, Timocom propose à ses clients de suivre l’emplacement de leurs véhicules et de leurs marchandises grâce à l’interfaçage de sa bourse avec sa propre plateforme de visibilité. Par ailleurs, les utilisateurs peuvent aussi gagner en productivité en basculant d’un seul clic leurs lots dans la bourse dès lors qu’ils disposent d’un des TMS requis, notamment Soloplan et Translogica.

Les utilisateurs de Teleroute disposent d’une appli qui leur permet de faire des recherches durant leurs déplacements.
© Agence TCA / Image générée avec ChatGPT
Les utilisateurs de Teleroute disposent d’une appli qui leur permet de faire des recherches durant leurs déplacements. © Agence TCA / Image générée avec ChatGPT

Interfaçage avec les TMS

Pour gagner en productivité tout en évitant les erreurs de ressaisie, l’interfaçage des bourses de fret avec les TMS séduit de plus en plus d’entreprises du TRM. C’est d’ailleurs ce que souligne Alpega Group. Cet autre opérateur de services numériques réunit plus de 500 collaborateurs, dont 20 sont dédiés à l’accompagnement des clients de Teleroute France. Le groupe réunit en son giron les trois bourses de fret Teleroute, Wtransnet et Bursa ainsi qu’Alpega TMS. Parmi les fonctions proposées par cet éditeur de TMS, la gestion des coûts, la planification et l’optimisation des transports ainsi qu’une fonction de visibilité temps réel des expéditions. En outre, pour pallier les risques de non-paiement des factures et en réponse aux problèmes de trésorerie des entreprises de transport, l’entreprise délivre des services financiers. À commencer par Fast Payment, proposé en partenariat avec l’éditeur Cegid, qui délivre un paiement des factures sous 48 heures. Quant au service de garantie des paiements, il est délivré en partenariat avec Coface, spécialisé dans l’assurance-crédit. Ces deux produits sont accessibles moyennant une commission calculée sur le montant de la facture. « Soit 3,95 % pour Fast Payment et 2,49 % pour la garantie de paiement », indique Charlotte Issemann, vice-présidente en charge des ventes chez Alpega. En 2023, la bourse s’est enrichie d’un nouvel annuaire qui sert notamment à vérifier la notation d’un partenaire ainsi que sa fiabilité – laquelle dépend de son comportement sur la plateforme. Enfin, en matière d’actualité, la bourse recourt depuis mai dernier à l’IA pour prendre en compte et en temps réel les offres de fret et les capacités de transport disponibles. De quoi fournir aux transporteurs et expéditeurs des recommandations personnalisées qui améliorent leur efficacité. Ce service s’appuie sur les tendances du marché, le profil des entreprises, leur historique et leurs préférences. Grâce à ces recommandations, les intéressés optimisent leurs chargements afin d’éviter les retours à vide, diminuer les coûts opérationnels, notamment en carburant et en péages, et trouver les meilleures opportunités de fret.

B2PWeb réfléchit à intégrer dans sa bourse de fret le service B2POptim pour en faciliter l’usage © B2PWeb

Paiement à J+7 gratuit pour les transporteurs

Utiliser l’IA pour faire des recommandations est également mis en pratique par Upply. Pour mémoire, cet opérateur de services numériques met les chargeurs en relation avec des transporteurs depuis mai 2023. Un an plus tard, l’entreprise compte 2 000 transporteurs de 2 à 500 cartes grises ayant effectué 10 000 transports. Ces entreprises de TRM vont disposer d’ici la fin de l’année de recommandations par l’IA pour les aider à définir leur offre de prix en tenant compte des tendances du marché. L’enjeu étant d’augmenter la probabilité qu’elles remportent les appels d’offres. Par ailleurs, l’IA intervient également pour vérifier automatiquement les preuves de livraison afin de déclencher le paiement automatique de la facture si aucun litige n’est constaté. Sur ce terrain, Upply se distingue par son service de paiement des factures à J+7, gratuit pour les transporteurs. « Seuls les chargeurs sont facturés », assure Thomas Larrieu, directeur général d’Upply, qui se porte garant du paiement des factures. « Nous avons une garantie de paiement qui protège les transporteurs contre les risques de non-solvabilité », fait valoir l’opérateur. 

Présent principalement en France, Upply s’ouvre désormais sur l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, la Belgique et le Royaume-Uni. En plus de s’étendre géographiquement, Upply enrichit sa plateforme avec un calculateur des émissions de gaz à effet de serre qui aide les entreprises à évaluer l’empreinte carbone des opérations de transport. Le calculateur tient compte des caractéristiques du véhicule (type de motorisation et de carburant, vignette Crit’Air, norme du véhicule utilisé, etc.) ainsi que de l’itinéraire emprunté et du poids des marchandises. L’opérateur prévoit d’aller un cran plus loin en certifiant les émissions de gaz à effet de serre (GES) des transporteurs pour un transport donné. C’est d’ailleurs l’objectif du projet européen « Hermione – mesure des émissions GES » qui est porté en France par l’Ademe, l’agence de la transition écologique, et la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), avec la participation d’acteurs télématiques, de chargeurs, de transporteurs et de logisticiens.

Les utilisateurs de Teleroute disposent d’une appli qui leur permet de faire des recherches durant leurs déplacements.
© Teleroute
Les utilisateurs de Teleroute disposent d’une appli qui leur permet de faire des recherches durant leurs déplacements. © Teleroute

Optimisation de recherches avec l’IA

Aider ses clients à diminuer leurs coûts opérationnels et limiter les retours à vide, c’est également la promesse de la bourse B2PWeb. Dans cette perspective, l’opérateur qui compte 12 000 clients transporteurs, cherche notamment à améliorer l’analyse prédictive des flux de transport sur plusieurs semaines. « Notre Lab a aussi travaillé sur un prototype d’optimisation de recherche de fret sur une tournée », rapporte Audrey Cayetano, directrice produits chez B2PWeb. Le principe est le suivant : le transporteur détaille les caractéristiques du véhicule utilisé, son point de départ et d’arrivée. À charge pour B2PWeb de lui proposer différents lots à charger sur son trajet. Ce système complétera le service B2POptim qui optimise la recherche et la gestion des offres de fret sur des trajets spécifiques en combinant plusieurs offres. Point fort, le transporteur reçoit des alertes personnalisées sur les meilleures offres en fonction de critères tels que le détour, le kilométrage, la longueur et le poids. « Nous réfléchissons à intégrer cette fonctionnalité à notre bourse de fret pour que le transporteur n’ait plus qu’une interface unique pour faire ses recherches de fret et recevoir ses alertes », informe Audrey Cayetano. 

Autre projet, le développement d’une nouvelle appli mobile pour rafraîchir les offres de recherche et de dépose de fret lorsque ses utilisateurs sont en mobilité. En outre, l’appli intégrera un système de messagerie instantanée par chat dans lequel l’historique des échanges sera conservé. Autre axe de développement, la poursuite de son interfaçage avec les TMS du marché. « Nous communiquons déjà avec la majorité des éditeurs dont Cofisoft », rappelle Audrey Cayetano, qui observe un nombre croissant d’entreprises qui font leur dépose et leur demande depuis leur TMS. Cet interfaçage contribue alors à gagner en productivité, à optimiser les opérations logistiques, à améliorer la traçabilité des marchandises et à réduire les coûts. B2PWeb ne s’arrête pas là. La bourse de fret annonce ainsi la création du service « Mes Partenaires ». L’intérêt, pour les clients, c’est de travailler dans un espace de confiance plus vertueux et avec les partenaires de leur choix. Ce type d’environnement intéresse notamment les flux sensibles que les opérateurs veulent sécuriser. B2PWeb prévoit de lancer quelques pilotes dès septembre 2024.  

© Eliane Kan / Agence TCA