Combiner les technologies du Cloud native et de l’intelligence artificielle (IA) aide les entreprises à accélérer le déploiement d’applications enrichies. A condition de poursuivre les efforts en matière de cybersécurité et d’anticiper les processus de maîtrise de la dépense.
Interview du cofondateur de l’European Cloud Industrial Alliance (Euclidia) qui regroupe 36 industriels du cloud en Europe et chef du projet Hyper Open X (HOX) qui rassemble une douzaine d’acteurs du cloud souverain Open Source dans le cadre de France 2030.
Pourquoi défendez-vous un Cloud souverain en France et en Europe ?
Parce que deux lois étasuniennes ont une portée extraterritoriale : le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) [https://www.justice.gov/criminal/criminal-fraud/foreign-corrupt-practices-act] et le Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA) [https://bja.ojp.gov/program/it/privacy-civil-liberties/authorities/statutes/1286]. En vertu de ces lois, les fournisseurs de matériels informatiques, les éditeurs de logiciels – qui ne sont pas libres – ainsi que les opérateurs de Cloud américains sont obligés de coopérer avec les autorités US.
Sur demande du Département de la Justice des États-Unis (DOJ), ils doivent fournir un accès à distance aux ordinateurs d’une personne ou d’une organisation. Sans bien sûr prévenir les victimes. L’intérêt d’un Cloud souverain en France et en Europe, c’est de conserver notre souveraineté industrielle.
Que pourrait changer la récente élection de Donald Trump ?
Rien de spécial car le niveau d’intervention extraterritoriale dû à FISA est déjà très élevé. En revanche, FISA a inspiré la loi chinoise sur la sécurité [https://en.wikipedia.org/wiki/Cybersecurity_Law_of_the_People%27s_Republic_of_China]. Face à cela, l’Europe devrait soutenir sa filière tech par de la commande publique. Elle en profiterait également pour protéger ses groupes industriels contre les actions d’intelligence économique lancées contre eux.
Reste que le niveau d’industrialisation des hyperscalers américains est très élevé…
Certes. Mais près de la moitié de leurs acquisitions technologiques viennent d’Europe. Cependant, la filière souffre d’un biais de perception de la part des gouvernements et dirigeants qui les empêchent d’apprécier l’avance des technologies européennes. Surtout en France.
L’Europe est-elle capable de générer des champions du Cloud ?
Oui, à l’instar Schwarz Digits [https://schwarz-digits.de/en], l’entité IT et Cloud de Lidl [https://www.lesechos.fr/pme-regions/ile-de-france/lidl-ouvrira-sa-plus-grande-plateforme-logistique-francaise-dans-les-yvelines-2117244] créée en 2021 qui, forte de 7 500 salariés, a réalisé un chiffre d’affaires 2023 de 1,9 milliard d’euros.
D’autres acteurs européens de la grande distribution ou bien des ETI familiales pourraient aussi devenir très vite des opérateurs Cloud mondiaux. Tout en divisant drastiquement leurs coûts IT et Cloud.
Comment faites-vous rimer « Cloud souverain » et « Cloud Open source » ?
Outre les équipements libres, à l’instar de ceux de Facebook, et les logiciels Open Source, le Cloud libre procure l’ensemble des procédures qui servent à former le service : installation, gestion, maintenance… Toutes ces procédures sont publiques et reproductibles par un tiers. Résultat, si l’on n’est mécontent d’un fournisseur de Cloud, on dispose de tout ce qui est nécessaire pour remonter le service ailleurs.
En quoi le Edge Computing complète-t-il le Cloud souverain ?
Les technologies des machines actuelles sont tellement denses et puissantes qu’elles suffisent à héberger un Cloud dans son entreprise. Un constructeur automobile européen en Chine fait ainsi tenir tout son Cloud dans deux racks, soit le volume d’une salle d’eau. Par ailleurs, disposer de son infrastructure Cloud permet de mieux en contrôler les accès.
Enfin, en installant des logiciels de Edge [https://fr.wikipedia.org/wiki/Edge_computing] sur tous les serveurs d’une entreprise, on obtient un service Cloud complet… sans les problèmes environnementaux de refroidissement que posent les Data Centers.
© Propos recueillis par Erick Haehnsen / Agence TCA