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Arnaques au Kbis : vigilance

Audrey Cayetano, directrice Produit chez B2P.
© B2P
Audrey Cayetano, directrice Produit chez B2P. © B2P
Article publié dans Les Echos - Le 10 septembre 2024

Infogreffe alerte sur une augmentation inédite des fraudes au Kbis. Les préjudices induits vont de 10 000 à 100 000 euros. Facile à se procurer et avec un faible contenu technologique, le Kbis réclame, de la part des entreprises, d’organiser leur veille et leur sécurité documentaires.

Prise de contrôle abusive de l’entreprise, obtention de crédit sur la base de fausses informations, fraude à la location longue durée de voitures de luxe… les arnaques au Kbis sont en hausse, alerte Infogreffe. Leur nombre est encore faible, un peu plus d’une cinquantaine l’an dernier, mais cela relève d’une tendance de fond. 

Le groupement des greffes des tribunaux appelle donc à la vigilance. Car à l’ère de l’open data et de l’intelligence artificielle, ce type de fraude est relativement simple à mettre en œuvre. Et pour les entreprises victimes d’usurpation d’identité, les préjudices financiers atteignent des montant importants, sans compter  leur réputation commerciale fortement entachée.

Une arnaque pas si compliquée

Le Kbis est un document requis pour quantité de démarches administratives et d’affaires. C’est la carte d’identité des entreprises. Il est nécessaire pour ouvrir un compte bancaire, initier des relations commerciales avec un fournisseur, répondre à un appel d’offres public. Comme pour un extrait d’acte de naissance, la durée de validité d’un Kbis est de 3 mois.  « Les arnaques au Kbis sont d’autant plus simples qu’il est très facile de se procurer ce document dont la composante technologique est très faible », explique Renaud Feil, PDG de Synacktiv, société parisienne experte en cybersécurité qui emploie 180 salariés et réalise 26,6 millions d’euros de chiffre d’affaires. Le Kbis embarque, outre un filigrane, un QR Code qui donne accès instantané aux informations essentielles de l’entreprise : forme juridique, nom des dirigeants, montant du capital social, adresse du siège social, etc. Mais comme le souligne ce spécialiste de la cyber sécurité, « il est assez simple d’envoyer par courrier au greffe de faux comptes-rendus d’assemblée générale, assortis des comptes annuels, etc. Comment le greffe peut-il authentifier les documents si ce n’est sur la base de la bonne foi ?  », soulève Renaud Feil. 

Au moins 100.000 euros de préjudices dans 15 % des cas

La modification du Kbis est quasi immédiate « tandis que le recours pour fraude réclame plusieurs mois afin de restituer l’entreprise dans ses informations valides », déplore Benoît Grunemwald, directeur des affaires publiques d’Eset, éditeur slovaque  de cybersécurité qui possède seize laboratoires d’observation de la cyberdélinquance dans le monde, réalise 500 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploie 2.500 salariés. Or, les entreprises sont tenues légalement responsables des actions frauduleuses commises en leur nom. Concrètement, « plus de 30 % des entreprises victimes de fraude ont subi un préjudice supérieur à 10.000 euros, et 15 % ont subi un préjudice supérieur à 100.000 euros », prévient Infogreffe.  Benoît Grunemwald évoque ainsi le cas d’un électricien, démis frauduleusement de ses fonctions de président. « Le vrai patron ne s’était aperçu de rien jusqu’à jour où il a dû demander un nouvel extrait de Kbis », reprend l’expert en sécurité qui conseille aux dirigeants de faire une veille régulière sur leur Kbis, par exemple en posant une alerte automatique pour toute modification pour son entreprise et toutes celles avec lesquelles on veut contractualiser.

Dédier du personnel à la vérification des documents administratifs

Pour se prémunir, la bourse de fret B2PWeb a instauré des procédures de contrôle. Cette entreprise est l’une des principales bourses de fret en France et en Europe, opérée par la société B2P (13 millions d’euros de chiffre d’affaires et 150 salariés) basée à Cavaillon (84). Les commissionnaires de transport y confient leurs marchandises à des transporteurs routiers. Principal risque : le vol de chargement par de fausses sociétés de transport.  Chez B2PWeb, onze collaborateurs du service vente téléphonique et trente du service clients collectent les documents officiels lors des inscriptions d’entreprises. « Kbis, licence de transport, Urssaf, normes ISO, certifications techniques, assurances… ils contrôlent près d’une vingtaine de documents ainsi que le numéro de téléphone lorsqu’il ne semble pas standard », décrit Audrey Cayetano, directrice produit. 

La société relance aussi ses clients pour actualiser régulièrement leurs documents, en particulier le Kbis, au mois tous les trois mois. « Nous sommes également en relation permanente avec un cabinet de détectives privés, précise Audrey Cayetano. Celui-ci nous envoie des alertes lorsque de fausses sociétés tentent de s’inscrire. » Ces mesures préventives assurent la sécurité de fonctionnement de la bourse de fret.

© Erick Haehnsen / Agence TCA