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Le véhicule électrique cherche à se décarboner

Grâce à un kit d’hybridation, ce -véhicule âgé passe de Crit’Air 3 à Crit’Air 1 et accède à nouveau en ZFE.. © GCK
Article publié dans le journal Les Échos – Le 14 juin 2023

Emettant plus de CO2 en fabrication mais moins à l’usage, le véhicule électrique suscite les débats. Côté batteries, la France accueille quatre gigafactories. Mais la production électrique d’origine nucléaire et hydraulique chute. En parallèle, les EnR compensent à peine. La voiture électrique est-elle une « bonne affaire » pour la décarbonation des transports ? Panorama des enjeux. 

 

Responsables de 15 % des émissions de CO2, selon l’Agence européenne pour l’environnement (EEA), les voitures individuelles neuves à combustion thermique seront interdites à la vente dès 2035 en Europe afin de lutter contre le réchauffement climatique. D’où l’envol des ventes de véhicules électriques (VE) : de moins de 2 % jusqu’en 2019, elles bondissent à 7 % en 2020, 10 % en 2021 et 13 % en 2022 à 203 121 véhicules, estiment Avere France et le Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA). Reste que cette bonne nouvelle mérite d’être nuancée. 

 

Tout d’abord, sur 38,7 millions de voitures particulières, selon le ministère chargé de l’Environnement, on compte près de 400 000 VE, soit près de 1 % en France. Ce qui est peu. Ensuite, « le VE est jusqu’à 50 % plus émissif à la fabrication qu’une voiture thermique. Néanmoins, il se révèle 15 fois moins émissif à l’usage pendant toute sa durée de vie. Au total, son bilan carbone est de 2 à 5 fois moins élevé que le thermique en France », souligne Aurélien Bigo, chercheur en décarbonation du transport (voir interview ci-contre). Pour accompagner la mutation vers l’électrique, Automotive Cells Company (ACC) a inauguré ce 30 mai à Billy-Berclau-Douvrin (62) la première des ‘‘gigafactories’’ des Hauts-de-France. Ses actionnaires,  Stellantis, TotalEnergies et Mercedes pour moitié, l’Etat et des collectivités territoriales pour le reste, prévoient une capacité initiale de 13 GWh d’ici la fin de l’année qui pourrait, à terme, être portée à 40 GW afin d’électrifier 500 000 véhicules par an. A Douai (59), Envision AESC, filiale japonaise du groupe chinois Envision, annonce une capacité de 9 GWh en 2024 et de 24 GWh d’ici 2030. A Dunkerque, le taïwanais ProLogium vise une capacité de 30 GWh et le grenoblois Verkor compte démarrer avec 16 GWh en 2025 et 50 GWh en 2030 t.


« En 2035, si toutes les voitures roulent à l’électricité, elles consommeront jusqu’à 100 TWh, soit 20 % de la production globale », souligne Aurélien Bigo. Sachant que le cap des 100 000 bornes de recharge n’a été franchi que cette année avec deux ans de retard, la France fournira-t-elle assez d’électricité pour relever ce défi ? Pas sûr. Selon RTE, la production électrique française chute de 15 % à 445,5 TWh pour 2022. La raison ? La disponibilité nucléaire (63 % de la production) s’effondre à 54 % – contre 73 % en 2021. A 49,7 TWh, l’hydraulique plonge aussi de 20 % par rapport à la moyenne de 2014 à 2019. Et les énergies renouvelables (EnR) de peiner à compenser ces pertes : 37,5 TWh grâce au parc éolien qui s’est accru de 1,9 GW ; 18,6 TWh grâce au solaire (+ 2,6 GW). Résultat, au lieu de décarboner, le gaz est la troisième source de production d’électricité en 2022 avec 44,1 TWh contre 32,9 en 2021…

Puits de FDE à Folschwiller (57) par lequel descend la sonde de Solexperts qui mesure la concentration d’hydrogène dans l’aquifère du carbonifère lorrain. © FDE

Face à ces carences, le groupe français GCK décarbone les voitures âgées avec le premier kit d’hybridation homologué qui convertir les voitures Crit’Air 3 en Crit’Air 1 en leur offrant 70 km d’autonomie électrique. « Moyennant 7 500 euros, hors aides publiques en cours de définition, ces voitures conservent l’autonomie du thermique pour les longues distances mais accèdent en électrique aux zones à faibles émissions (ZFE) », explique Rémi Berger, directeur de l’innovation du groupe.

Grande surprise, l’espoir que suscite suscite le gisement d’hydrogène naturel, découvert à Folschwiller (57) en mai dernier par une équipe du laboratoire GeoRessources (CNRS-Université de Lorraine) grâce à une sonde brevetée par Solexperts, utilisée dans un puits de la Française de l’énergie (FDE). « Plus l’on descend, plus la concentration d’hydrogène augmente : 1 % à 600 m, 15 % à 1 093 m. Nous l’estimons à plus de 90 % à 3 000 m », détaille Jacques Pironon, directeur de recherche à GéoRessources. Selon nos hypothèses, cet hydrogène ‘‘blanc’’ se formerait par réaction de la sidérite (un carbonate ferreux) qui réduit l’eau présente dans le carbonifère lorrain à la température de 150°C à 200°C. »  Tant que ces conditions physicochimiques sont réunies, l’hydrogène blanc se renouvelle !

Prochaine étape : « Obtenir de l’État l’autorisation de forer jusqu’à 3, 4 ou 5 km de profondeur afin de tester, les concentrations, les volumes et les débits d’hydrogène. En parallèle, un nouveau programme de recherche permettra de cartographier le gisement par des mesures dans de nouveaux forages. Ce qui prendra entre un et deux ans », précise Antoine Forcinal, DG de FDE qui a déposé une demande d’octroi de permis exclusif de recherches sur 2 254 km². En fournissant au véhicule électrique un hydrogène propre, renouvelable, abondant jusqu’à quatre fois moins cher que l’hydrogène vert, constructeurs et équipementiers songeront peut-être à accélérer les innovations dans la pile à combustible.

 

© Erick Haehnsen / Agence TCA