Accroître l’efficacité opérationnelle des plans de transport et de la gestion des tournées, telle est la promesse de l’IA pour séduire donneurs d’ordre et transporteurs. Au passage, ce gain contribue à réduire les kilomètres parcourus et donc les émissions de CO2. Mais les acteurs de l’IA en profitent pour aider les transporteurs à simuler leur transition électrique sans perte d’exploitation.
Pour ‘‘verdir’’ la chaîne logistique, l’intelligence artificielle (IA) saura-t-elle conjuguer efficacité opérationnelle et réduction des émissions de CO2 ? « L’IA aide à optimiser les plans de transport et les tournées de livraison ainsi qu’à allouer les ressources adéquates dans le temps et l’espace, explique Tristan Bourvon, coordinateur logistique et transport de marchandises à l’Agence de l’environnement (Ademe). Comme il y a énormément de contraintes et d’aléas (variations de la demande, météo, circulation…), les planificateurs humains n’ont plus la capacité d’optimiser de tête des situations de plus en plus complexes. » Pour preuve, le taux moyen de remplissage des poids lourds (PL) en Europe n’est que de 65 % tandis que 20 % des trajets sont encore effectués à vide, d’après Eurostat.
A côté d’acteurs historiques comme PTV (optimisation de tournées), des start-up comme DCbrain, Flowlity, Kardinal, Mapo, Traffic Live ou Urbantz, proposent des solutions Cloud pour optimiser les schémas de transport ou de gestion de tournées. Objectif : « Réduire non seulement les retours à vide après livraison mais aussi les kilomètres parcourus, voire le nombre de camions sur la route », explique Mathieu Boyer, directeur de l’intelligence économique au cabinet conseil en stratégie d’innovation SprintProject basé à Saint-Cloud (92).
Ces acteurs traitent les données issues des progiciels de gestion des transports (TMS) des transporteurs ou de leurs donneurs d’ordre. Puis ils y agrègent les données qui décrivent les capacités et opérations de transport : marchandise, véhicule, consommations de carburant, trajets, contraintes de collecte et de déchargement, respect des obligations réglementaires des temps de travail…. De quoi construire un ‘‘Jumeau numérique’’ du transporteur afin de simuler des scénarios d’optimisation. « Nous visons ainsi à économiser 5 % à 10 % sur les coûts ou les kilomètres parcourus, donc sur les émissions de CO2 », indique Benjamin de Buttet, directeur des opérations de DCbrain (35 salariés) qui a levé 5 millions d’euros en 2022.
« Nous comptons diminuer nos émissions de CO2 de 500 à 600 tonnes sur 4 000 dès la première année d’utilisation de notre solution d’IA », fait valoir Isabel Salva, cogérante de Transports Salva qui recourt à l’éditeur espagnol Traffic Live. « Avec nos simulations, les transporteurs préparent leur transition électrique sans pertes d’exploitation, renchérit Cédric Hervé, cofondateur de Kardinal (30 salariés) qui a levé 10 millions d’euros en 2022. Dans la perspective des JOP Paris 2024, nous les aidons aussi à modéliser la livraison du dernier kilomètre en cyclo-logistique ou à pied. » Une chose est sûre : « L’IA est pertinente partout où il s’agit de dégager de la performance », explique William Eldin, PDG de XXII (50 salariés), spécialisée en vision par ordinateur qui a levé 22 millions d’euros en 2023, qui optimise le remplissage des camions à l’expédition.
Même philosophie à La Poste qui, forte de 500 collaborateurs dédiés aux jumeaux numériques, l’IA et la donnée, a lancé en septembre 2023 son nouveau Calculateur Carbone pour les entreprises, développé depuis dix ans : « Disponible pour 120 000 entreprises totalisant 420 millions de colis, notre algorithme personnalise le calcul de l’impact CO2 des colis déposés par chaque client entreprise », souligne Juliette Baudry, directrice de la donnée et de l’IA à la branche Services-Courrier-Colis de La Poste. Avant la généralisation de l’IA à tous les étages de la chaîne logistique, ses acteurs ont deux défis majeurs à relever : s’assurer que l’impact environnemental numérique de l’IA n’annihile pas les gains en décarbonation qu’elle offre et convaincre toutes les parties prenantes de la livraison urbaine de mutualiser leurs données afin d’étendre la décarbonation au niveau de territoires entiers.
© Erick Haehnsen / Agence TCA