Fin du bonus écologique pour les flottes d’entreprise, durcissement de la taxe au poids dès 1 600 kg de la taxe CO2 allant jusqu’à 60 000 euros au-delà de 194 g CO2/km… la fiscalité punitive envers le thermique favorise de force l’électrique.
Remplacement de la taxe sur les véhicules de société (TVS) par les taxes à l’utilisation du véhicule (TVU), malus écologique au poids et aux émissions, suppression pour les entreprises du bonus écologique sur les véhicules électriques (VE)… la fiscalité 2024 alourdit, déstabilise et complexifie la gestion des véhicules pour les loueurs, gestionnaires de flotte et entreprises détentrices. « Cette fiscalité devient de plus en plus punitive envers le thermique », résume Régis Masera, directeur du consulting et de l’Arval Mobility Observatory d’Arval France. Est-ce une surprise ? Pas vraiment. Selon le calendrier de la loi d’orientation sur les mobilités (LOM) de 2019, confirmé par la loi Climat et Résilience de 2021, les flottes de plus de 100 véhicules doivent se renouveler avec des voitures à faible taux d’émission à hauteur de 10 % du parc en 2022, 20 % en 2024, 40 % en 2027, 70 % en 2030.
En revanche, les nouvelles TVU de fin 2023, qui taxent les émissions non seulement de CO2 mais aussi de polluants atmosphériques, bousculent encore davantage le secteur. « A elle seule, la TVU hausse le coût d’un véhicule particulier (VP) qui émet entre 100 et 150 g CO2/km de 60 euros par mois, en moyenne, pour une voiture diesel et de 25 à 30 euros par mois pour une voiture essence ou hybride non rechargeable », note Audrey Martin, consultante chez Traxall qui gère 220 000 véhicules d’entreprise dans le monde et 60 400 en France. Plus les émissions sont élevées, plus la taxe annuelle augmente : « 600 euros par an de 2023 jusqu’en 2027 pour une Peugeot 208 Essence PureTech 130 Active qui émet 126 CO2/km et 1 490 euros pour une Volkswagen Touran TSi 150 (149 CO2/km), également essence, calcule Maxime Sartorius, PDG de Direct Fleet qui détient 13 000 véhicules en gestion pour le compte de tiers. Lorsque c’est techniquement possible, il est urgent de sortir les véhicules diesel des flottes ! »
Message bien reçu par les gestionnaires de flotte. « Sur les 764 33 des VP et véhicules utilitaires légers (VUL) neufs achetés par les entreprises en France, le diesel représentait 32 % en 2023 contre 69 % en 2019, décortique Marie-Laure Nivot, responsable Intelligence marché au cabinet parisien AAA Data, spécialiste de l’analyse de données. Cette ‘‘dédieselisation’’ s’établit au profit des VP essence (28 %) dont la part progresse de 4 points depuis 2019, et surtout en faveur des hybrides qui ont connu une progression plus forte, passant de 4 % à 28 % sur la période. Ce qui démontre leur intérêt en tant que véhicules de transition face au VE (11 % en 2023, 3 % en 2019). » Constat confirmé par le Baromètre des flottes et de la mobilité 2023 de l’Arval Mobility Observatory : près de 8 entreprises sur 10 (77%) déclarent avoir d’ores et déjà adopté au moins une technologie alternative pour ses voitures particulières, soit 19 % de plus que la moyenne européenne.
Quant au malus ‘‘au poids’’ qui se paie à l’immatriculation, il se déclenche dès le seuil 1 600 kg (contre 1 800 kg en 2023). « Il s’agit de véhicules statutaires, gros SUV ou voitures de sport. La majorité des SUV sera peu voire pas taxée, reconnaît Audrey Martin. Pas de quoi remettre en cause l’engouement des entreprises pour les SUV qui pèsent 36 % des achats en 2023 26 % en 2019. » Complexe à calculer, la taxe est, par exemple, de 3 520 euros pour un véhicule de 1 900 kg. Rappelons que sont exonérés du malus ‘‘masse’’ les véhicules 100 % électriques, hydrogène ou mixtes ainsi que les hybrides rechargeables dont l’autonomie électrique dépasse 50 km en 2024. Cependant, ces derniers perdront cet avantage au 1er janvier 2025, au profit d’un abattement de 200 kg. En attendant, les autres hybrides bénéficient d’un abattement de 100 kg pour 2024.
Imposée également à l’immatriculation, la taxe CO2 s’applique dès le seuil de 118 g CO2/km (contre 123 g CO2/km en 2023). Soit 100 euros pour des voitures comme la Renault Clio 5, la Dacia Sandero ou la Peugeot 208 PureTech 75 BVM5 qui émettent 120 g CO2/km. En revanche, le montant de la taxe CO2 devient stratosphérique, à 60 000 euros à la vente en 2024 (contre 50 000 en 2023) à partir de 194 g CO2/km. De quoi, parfois, dépasser le prix de base du véhicule !
Autre facteur du sentiment d’instabilité fiscale, le décret du 13 février 2024 supprime pour les personnes morales le bonus écologique allant jusqu’à 3 000 euros par véhicule électrique (VE). « Certes, ce n’est pas un bon signal pour la transition électrique, estime Maxime Sartorius. Mais, d’ores et déjà, la fiscalité rend le VE compétitif par rapport au thermique. » Ainsi le coût total de possession de la BMW iX1 électrique Business Design est-il de 188 euros à 1 042 euros par mois à celui de sa consœur thermique X1 Sdrive 18i Business Design à 1 230 euros.
© Erick Haehnsen / Agence TCA