Capteurs, balises et autres objets connectés promettent de se développer à bord des tracteurs et remorques afin d’assurer un suivi en temps réel des lots et des colis. L’enjeu étant de limiter les erreurs et prévoir leur arrivée dans les entrepôts.
Pour gagner en performance globale, les transporteurs ont bien compris l’enjeu de la géolocalisation et du suivi des véhicules grâce à des systèmes télématiques embarqués en première ou seconde monte. Des investissement qui réclament désormais des efforts supplémentaires afin de gagner de nouveaux marchés et fidéliser les donneurs d’ordres. En effet, à l’instar des internautes, distributeurs et industriels veulent aussi savoir où se trouvent leurs marchandises. Ils souhaitent également en connaître les conditions transport. Voire même, l’heure à laquelle les marchandises seront disponibles dans leur entrepôt. Autant de questions qui vont réclamer la mise en place dans les véhicules et remorques des capteurs, des balises et autres objets connectés (IoT).
Après la longue période des POC (Proof of concept), ces dispositifs sont entrés en phase d’exploitation commerciale. Point fort, ils savent se couler dans les processus tant industriels que logistiques. En témoignent les tags de Magma Technology qui a remporté fin décembre un avis de marché européen lancé en juin 2022 par La Poste afin d’assurer le suivi de 2 200 conteneurs sur roulettes utilisés dans le traitement du courrier. « Nous gérons 150 000 de ces conteneurs sur roulettes qui sont transportés chaque jour dans des semi-remorques », explique David Osorio, directeur du pôle Performance de la direction Transport de La Poste, en charge de la gestion de la conteneurisation de la branche Services Courrier Colis. But de la manœuvre : « Identifier les stocks dormants dans les établissements postaux de sorte à améliorer le taux de disponibilité, mieux répondre à l’alimentation de notre production et réduire de moitié le coût d’achats de matériels neufs à l’horizon 2024. Tout en évitant les ruptures de charge dans la chaîne de production », reprend David Osorio.
Capteurs intelligents et multifonctions
Les capteurs de Magma Technology ne se limitent évidemment pas au suivi des conteneurs. Son offre répond aux besoins de tous types d’activité où il est nécessaire de mesurer en permanence la température et l’humidité régnant à l’intérieur d’une remorque ou d’un wagon. Multifonctions et autonomes, ses dispositifs savent même donner l’alarme en cas d’ouverture de porte non prévue. Les données techniques et leur positionnement sont directement transmises sur les réseaux cellulaires. Depuis sa création, la PME d’une quinzaine de personnes a déjà déployé pour le compte de 20 clients (essentiellement des chargeurs et commissionnaires) 20 000 capteurs dans des remorques ou des wagons. 35 000 autres sont en cours de déploiement. Point particulier, ces capteurs multifonctions peuvent aussi embarquer de l’IA pour calculer notamment l’heure estimée d’arrivée (en anglais, Estimated Time of Arrival ou ETA). « Nous intégrons notamment le trafic routier en temps réel et planifions d’intégrer les temps de pause grâce à l’analyse de l’historique des trajets en Machine Learning et autres algorithmes », décrypte Mourad El Bidaoui, PDG et cofondateur de la PME. Ces informations permettent à ses clients de savoir au quart d’heure près où se trouvent leurs lots afin de préparer leur arrivée dans le magasin ou l’entrepôt. « Grâce aux remontées d’information par des capteurs embarqués sur les contenants, nous assurons un taux de tracking de plus de 90 % des marchandises contre 50 % à 60 % pour le seul suivi des véhicules », fait valoir le dirigeant.
L’exemple du transport frigorifique
Le besoin de localiser, suivre la marchandise et en connaître les conditions de transport s’impose plus que jamais dans le transport frigorifique. Une activité sur laquelle pèsent des exigences réglementaires en matière de traçabilité des produits alimentaires, pharmaceutiques ou médicaux. Dans ce secteur, le besoin de surveillance explose selon Eric Cartalas, directeur général en charge des opérations chez MMS dont la filiale JRI se spécialise dans les capteurs sans fil et connectés. Embarqués à bord de véhicules lourds, utilitaires voire des scooters, ces dispositifs mesurent et enregistrent les données de température et d’humidité sur un portail dédié, en l’occurrence JRI-MySirius.
Depuis son écran, l’exploitant surveille ainsi à distance la température des produits pendant le transport, gère les alarmes en temps réel et visualise son parc de véhicules et les itinéraires empruntés. Dans les véhicules, les capteurs envoient leurs données par radiofréquence via un boîtier de communication filaire. Selon le système, ce dernier envoie ses données par LoRa (réseau bas débit) ou via un réseau cellulaire (2G, 3G, 4G). Cette année, JRI lance un nouveau boîtier. Autonome cette fois et plus simple à installer, la nouvelle Nanocell transmet ses données sur le réseau LTE-M, un dérivé de la 4G. En outre, le fabricant commercialise un nouvel enregistreur « Nano Spy Digital » équipé d’une sonde numérique et amovible qui s’emboîte directement sur le capteur. Résultat, lors des opérations d’étalonnage, nul besoin de le démonter, il suffit juste d’enlever la sonde et de ma remplacer. Un sacré gain de temps pour l’exploitant.
Capteurs jetables et autonomes
L’explosion attendue du nombre de lots et de colis à transporter, qu’ils soient réfrigérés ou non, soulève la question de leur impact environnemental. Une thématique qui suscite des développements partout dans le monde. En témoigne en France Synox à la fois intégrateur et éditeur de plateformes de visualisation des données pour le suivi des marchandises. Dans la perspective d’en limiter l’impact environnemental, la PME d’une quarantaine de personnes s’intéresse à de nouvelles solutions de communication et d’identification. « Nous travaillons sur un nouveau moyen de suivi des colis avec un professionnel de l’emballage », explique Mathieu Borie, IoT Business Manager chez Synox, Il s’agit d’une étiquette autonome jetable, biodégradable et alimentée par une pile en carton elle-même recyclable. » Ce capteur est en cours de tests et devrait apparaître en 2024. Par ailleurs, Synox s’intéresse aussi à la connectivité des capteurs et balises. En plus de se connecter au réseau cellulaire, les générations de demain pourraient bien échanger leurs données sur le réseau satellitaire afin de couvrir les zones blanches. L’offre se démocratise d’ailleurs grâce au nouveau réseau de mini-satellites opérés par le français Kineis. Cette entreprise prévoit un lancement commercial en 2024. Outre les camions, il intéressera également le suivi des navires, avions et bateaux circulant dans des zones blanches partout dans le monde. « Actuellement, des expérimentations sont menées avec des chargeurs pour le transport multimodal de leurs marchandises », indique Anne-Cécile Thibault, directrice de la communication et du marketing chez Kineis.
Géolocalisation et suivi des remorques
A l’heure du groupage et du dégroupage de la marchandise sur fond de sous-traitance en cascade, nul n’est à l’abri d’une erreur d’attelage. D’où la nécessité de s’assurer que les marchandises sont placées dans la bonne remorque et que cette dernière est attelée au bon tracteur. Pour limiter les risques d’erreur à ce niveau, des solutions préventives existent. A l’instar des balises connectées ou Beacons fabriquée par Ela Innovation, une PME d’environ 45 personnes. Ce type de dispositif constitue un gain d’efficacité en aidant le conducteur du tracteur à identifier à distance (sur plusieurs centaines de mètres) la bonne remorque à laquelle s’atteler. Et ce, grâce l’envoi, en mode Blutooth Low Energy, du numéro d’identification du Beacon directement au boîtier GPS embarqué dans le tracteur. « L’exploitant sait ainsi à tout moment où se trouve sa remorque et sur quel tracteur elle est attelée », souligne Fanny Waterlot, responsable communication chez Ela Innovation.
Partage d’informations avec les tiers
Savoir coupler les véhicules et les remorques tout en remontant en temps réel la position et les informations techniques, quel que soit le système télématique embarqué, constitue un jeu d’enfant pour les portails de traçabilité. En témoigne notamment le portail S3PWeb, filiale de H2P. Lequel agrège également, sur le même tableau centralisé, les données des conducteurs. L’offre intéresse aussi bien les transporteurs de lots et messagers que les commissionnaires de transport. Ces utilisateurs peuvent partager leurs informations de manière sécurisée avec leurs clients grâce au Pass Traçabilité. « Ce coffre-fort numérique sera connecté à la bourse de fret B2PWeb durant ce 1er trimestre de manière à ce que nos adhérents puisse localiser sur une carte et suivre l’avancée de chacune de leurs commandes spot », fait savoir Audrey Cayetano, directrice produit de S2pweb, autre filiale de H2P.
ETA attendu chez Ekolis
Dans les portails de traçabilité, le suivi des remorques s’accélère, notamment en raison de l’échéance de 2024. « L’an prochain, les véhicules devront être équipés de capteurs de surveillance des pneus pour réduire la consommation et améliorer la sécurité des véhicules sur les routes », rappelle Guillaume Perdu, président et fondateur d’Ekolis. L’entreprise opère une plateforme d’agrégation qui fusionne en un seul lieu la traçabilité des tracteurs, semi-remorques et des marchandises et ainsi que leurs conditions de transport (température, humidité, pression des pneus, etc). De quoi répondre aux besoins des expéditeurs, transporteurs et de leurs clients sachant que le portail s’interface aux outils de gestion du transport (Transport Management System ou TMS) des prestataires.
Prochaine étape pour l’entreprise, c’est d’intégrer à son portail la fonction ETA qui sera annoncée sur le prochain salon Solutrans. Outre le point de départ et le lieu d’arrivée, son calcul prendra en compte la vitesse moyenne de circulation en ville et sur l’autoroute. « En option, nous proposerons une version dynamique prenant en compte les conditions de circulation et de la météo », prévoit Guillaume Perdu qui pense surtout aux trafics sous tension comme l’industrie automobile ou pharmaceutique. Parallèlement, Ekolis phosphore avec des partenaires universitaires sur une nouvelle génération de capteurs universels dédiés à la traçabilité des colis de bout en bout de la chaîne. Cette offre devrait sortir au 1er trimestre 2025.
© Eliane Kan et Erick Haehnsen