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Jean-Paul Smets (Rapid.Space) : « Constituer des clouds 5G virtuels pour sauver des vies »

Il suffit de 5 minutes pour activer un Cloud 5G en installant ce boîtier électronique assemblé en France à 5 mètres de hauteur afin de couvrir une zone de 5 km de rayon. © Rapid.Space
Article publié dans le site d'actualités Infoprotection.fr - Le 16 février 2023

Seul équipementier français à la fois d’Edge Computing, Cloud Computing et d’infrastructures télécoms 4G/5G Open Source de bout en bout, la start-up lilloise Rapid.Space, créée en 2020 (10 salariés), fournit aux forces de l’ordre et aux armées des infrastructures indépendantes de Cloud mobile. Utiles pour les grands événements ou les situations de catastrophe. Interview de son PDG.

Jean-Paul Smets, PDG de Rapid.Space. © Rapide.Space

Comment en êtes-vous arrivé à concevoir des infrastructures indépendantes de Cloud mobile ?

Par hasard. Dans une autre de mes sociétés, Nexedi, leader européen du progiciel de gestion intégré libre, nous avions déjà l’expérience de l’Edge Computing, c’est-à-dire du Cloud réparti. Puis nous avons rencontré la société française Amarisoft qui a inventé les infrastructures 4G/5G virtualisées sur PC. Nos offres étant complémentaires, nous avons alors créé en 2020 une société commune, Rapid.Space, qui emploie aujourd’hui une dizaine de salariés et dont le chiffre d’affaires frise le million d’euros.

En quoi est-il intéressant de faire de la 5G virtualisée sur PC ?

Pour démocratiser la technologie 5G et développer la souveraineté technologique européenne. En effet, Amarisoft apporte une partie de la conception d’équipements télécoms 4G/5G dans un simple boîtier électronique. Autrement dit, une carte PC et des logiciels suffisent à remplacer, en les virtualisant, des équipements télécoms spécialisés qui, habituellement, sont extrêmement chers. Citons les équipements analogiques d’Ericsson, Nokia, Huawei ou ZTE. De son côté, Amarisoft virtualise le fonctionnement de ces équipementiers en faisant le lien entre les mathématiques, l’algèbre, l’analyse, les langages assembleurs des équipements électroniques et la connaissance physique du monde réel. Le tout dans un simple PC. C’est une approche typiquement française ! En termes de performance, Amarisoft parvient à connecter 500 utilisateurs à une seule antenne dotée de son boîtier. Contre à peine 200 pour Intel, pourtant très soutenu par l’administration Biden. Ajoutons qu’Amarisoft fonctionne avec des processeurs qui peuvent être aussi bien chinois qu’américains ou européens. En installant le boîtier et l’antenne sur un mât à 5 m de hauteur, on couvre en à peine 5 minutes un rayon de 3 à 4 km à la ronde avec une émission de 2 W de puissance. Il suffit d’une batterie de 32 W, d’une prise allume-cigare ou d’un petit panneau solaire.

Quels sont les changements attendus ?

Le fruit de cette rencontre entre Nexedi et Amarisoft, Rapid.Space, propose de développer un Cloud 5G le plus libre possible. En-dehors d’une partie du logiciel d’Amarisoft qui reste propriétaire, tout est libre : les plans de construction des équipements électroniques, la majeure partie des logiciels, les procédures d’installation et d’exploitation… Cela signifie que si Rapid.Space disparaît, l’utilisateur pourra continuer de fonctionner. C’est une réelle résilience. Cela veut également dire que cette technologie de Cloud 5G peut s’adapter à toutes les contraintes d’une grande entreprise ou d’une grande organisation. Jusqu’à présent, les investissements en équipements pour infrastructures télécoms étaient colossaux. Avec notre approche, ce sont de simples acteurs locaux qui investissent.

Le boîtier du Cloud 5G est de petite taille. © Rapid.Space

Quels marchés ciblez-vous ?

Celui des forces de l’ordre, des forces de secours, notamment des pompiers, des armées ainsi que celui des usines qui ont besoin d’un réseau radio de meilleure qualité et plus sécurisé que le WiFi. Concernant le marché des forces de l’ordre, la France est en avance avec le contrat Réseau radio du futur (RRF) du ministère de l’Intérieur, remporté en octobre 2022 par le consortium Airbus-Cap Gemini, qui porte sur 30 000 boîtiers assez similaires au nôtre pour équiper 400 000 personnels des forces de l’ordre et des services de secours. L’idée, c’est de remplacer les talkies-walkies par des smartphones mais sur un réseau indépendant de ceux des opérateurs télécoms publics. En effet, lors de grands événements, ceux-ci perdent de leur fiabilité. Par ailleurs, dans le monde entier, les policiers préfèrent les applications sur smartphone comme WhatsApp plutôt que les talkies-walkies. L’intérêt, c’est de converser en visiophonie, d’échanger des fichiers, notamment des images ou des vidéos. Pour notre part, nous intégrons à notre boîtier Delta.Chat, un équivalent libre de Whatsapp ainsi que Galene, un équivalent libre de Zoom pour permettre aux reporters de guerre de communiquer avec le reste du monde. Sans passer par un serveur central et encore moins par les opérateurs télécoms étatiques. C’est ce que nous allons montrer au World Mobile Congress (WMC) qui aura lieu du 27 février au 2 mars à Barcelone (Espagne). Nous exploitons la fréquence B28 (700 MHz), une fréquence basse qui offre une longue portée, jusqu’à 5 km.

Cette solution peut-elle aussi intéresser les forces de secours lors d’accidents routiers, d’incendies ou de catastrophes industrielles de grande ampleur ?

Bien sûr. D’autant que nous pouvons relier plusieurs boîtiers pour constituer un réseau Mesh avec chiffrement. En utilisant les drones à ailes fixes du slovène C-Astral (5 heures d’autonomie), ces boitiers peuvent être espacés de 100 km. Cette solution pourrait tout à fait être utilisée pour le tremblement de terre en Turquie et en Syrie afin de sauver des vies.

 

Erick Haehnsen