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Les plateformes de visibilité, un passage obligé
pour les transporteurs

Grâce à la plateforme Shippeo, Renault suit l’acheminement de ses véhicules. © Renault
Grâce à la plateforme Shippeo, Renault suit l’acheminement de ses véhicules. © Renault
Article publié dans le magazine l'Officiel des Transporteurs - Le 9 décembre 2022

Les grands donneurs d’ordres sont quasiment tous abonnés à des portails de traçabilité pour suivre l’acheminement de leurs marchandises. Ce qui oblige les transporteurs d’envoyer à ces plateformes les données télématiques de leurs véhicules.

À l’instar des cyber-acheteurs qui se font livrer leurs commandes à domicile, s chargeurs et affréteurs veulent savoir en temps réel où se trouvent leurs marchandises et être avisés de l’heure estimée d’arrivée (ETA) des poids lourds afin d’organiser la réception des marchandises. D’où l’intérêt des plateformes de visibilité auxquelles sont abonnés la majorité des grands industriels et distributeurs ainsi que des commissionnaires de transport. En se connectant à leur portail, ils géolocalisent et suivent en temps réel la position des poids lourds affectés à chacun de leurs ordres de transport. À charge pour leurs prestataires de transport de remonter la position de leurs poids lourds sur le portail de visibilité. Il en existe plus d’une quinzaine sur le Net. Citons, notamment, les français Shippeo et S2PWeb ainsi que le leader du secteur, l’américain Project44, un groupe de 1 300 personnes dont 500 en Europe.

Calcul de l’ETA

Créée en 2014 à Chicago (Illinois, États-Unis), l’entreprise compte parmi sa clientèle de grands chargeurs comme Amazon ou Unilever mais aussi des 3PL et 4PL ainsi que des transporteurs. Ces derniers représentent 45 % de ses quelques 1 250 clients. À l’instar de ses compétiteurs, l’entreprise utilise des algorithmes pour calculer l’heure prévisionnelle d’arrivée des marchandises. Ce qui permet aux chargeurs de mieux planifier l’activité des quais. Pour calculer cette information, Project44 utilise différents types de données. À commencer par la géolocalisation des tracteurs, la météo ou encore l’état du trafic en temps réel. « Nous réduisons de 30 % les communications par e-mail ou par téléphone », indique Mickaël Devena, vice-président des régions Europe du sud et Amérique du sud chez Project44. Lequel revendique plus d’un milliard d’expéditions suivies par an avec 800 000 actifs connectés. Grâce à de multiples acquisitions, ce groupe est interconnecté à plus de 950 plateformes télématiques. Ce qui lui permet d’apporter à ses clients une visibilité multimodale partout en Europe et dans le monde. Le suivi concerne aussi bien les poids-lourds, les barges fluviales et les trains que les conteneurs maritimes. À cela s’ajoute un système d’évaluation qui aide les chargeurs à prédire et réduire les émissions de CO2 en choisissant leurs prestataires transport non plus seulement en fonction du coût et des performances mais également de leur empreinte carbone. L’enjeu est de taille puisque le transport et la logistique représentent un cinquième des émissions mondiales de CO2.

La plateforme de S3PWeb reçoit les données télématiques de plus de 40 000 véhicules. @ Scania
La plateforme de S3PWeb reçoit les données télématiques de plus de 40 000 véhicules. @ Scania

Interfaçage avec les TMS transport

Aider le transport à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) fait aussi partie des ambitions de l’éditeur français Shippeo. Créée il y a huit ans, cette entreprise de 250 collaborateurs gère 30 millions d’ordres de transport depuis sa plateforme de visibilité globale et multimodale. En effet, elle suit quasiment tous les modes de transport disponibles : le routier, le maritime, l’aérien et le ferroviaire. « Nous opérons dans 75 pays pour le compte de nos 150 clients dont font notamment partie Renault, Saint-Gobain ou encore TotalEnergies », indique Lucien Besse, directeur général et cofondateur de l’entreprise. Son portail récupère l’information de traçabilité de différentes façons. La première consiste à se connecter à l’informatique embarquée des transporteurs afin de traquer uniquement le parcours du véhicule lié à l’ordre de transport. La seconde consiste à récupérer les données via une application mobile que plusieurs milliers de transporteurs utilisent actuellement. Enfin, une troisième alternative repose sur l’interconnexion de la plateforme avec les TMS (Transport Management System) des transporteurs. Ce qui, en plus des données de géolocalisation, permet de remonter les événements de transport. Par exemple les livraisons avec litige.

« En contrepartie, lorsqu’un de nos clients chargeurs nous envoie un ordre de transport, nous le transmettons directement au TMS du transporteur, explique Lucien Besse. Cette fonctionnalité évite à ce dernier d’avoir à se connecter à notre plateforme pour récupérer l’ordre de transport. » L’entreprise, qui compte une trentaine de Data Scientists et d’ingénieurs spécialisée en intelligence artificielle (IA) s’est par ailleurs appliquée à améliorer la qualité des données télématiques remontées ainsi que la prévision des arrivées et des retards de livraison. « Nous avons le calculateur d’ETA le plus fiable du marché », avance le directeur général de Shippeo qui s’illustre cette année en lançant son premier calculateur « Carbon Visibility » qui, pour chaque expédition, mesure les émissions de CO2. Pour y parvenir, la plateforme valorise en temps réel les données de tracking afin d’enrichir le calculateur. Chargeurs et prestataires de services logistiques disposent ainsi d’une vue consolidée des émissions associées aux activités de transport et de distribution en amont et en aval. De quoi simplifier le contrôle des émissions de CO2.

Envoi d’alerte en cas d’incident

De son côté, S2PWeb filiale de H2P créée en 2015, propose depuis 2018 une plateforme de traçabilité à laquelle se connectent 2 500 chargeurs, commissionnaires de transports, 3PL et transporteurs. Ces derniers déploient GedMouv en réponse aux sollicitations de leurs clients. Ou pour apporter de la valeur à leur offre de service en proposant de partager en temps réel des informations avec leurs clients. Par exemple, la géolocalisation des poids-lourds avant l’enlèvement de la marchandise ou durant son acheminement. La plateforme GedMouv est aussi interfacée avec différents TMS du marché. Ce qui permet aux exploitants de récupérer les ordres de transport, de les affecter aux sous-traitants ou à leurs conducteurs et de les enrichir progressivement avec d’autres informations. Comme les statuts du chargement, les informations relatives à la conformité de la livraison, les statuts et preuves de livraison, les lettres de voiture électroniques, l’heure du rendez-vous de la livraison. Sans oublier la quantité des marchandises livrées ainsi que les réserves émises par le destinataire, etc.

En outre, la plateforme avertit immédiatement l’exploitant en cas de retard ou de litige. Enfin, ce dernier dispose d’un tableau de bord doté d’indicateurs clés de la performance pour piloter son activité. Par exemple, il connaît en temps réel son taux de livraison, la ponctualité de ses livraisons, etc. Bien sûr, S2PWeb effectue régulièrement des améliorations fonctionnelles. « Nous avons travaillé sur le module gestion de tournées afin de donner plus de souplesse au transporteur. Lorsqu’une tournée est envoyée à un conducteur, elle peut être enrichie dans la journée avec de nouveaux points d’enlèvement ou de livraison, précise Audrey Cayetano, directrice produit chez S2PWeb. Par ailleurs, nous avons développé une nouvelle interface qui délivre aux donneurs d’ordres une vision globale de tous les transports en cours. Depuis le mois de juin, ces derniers peuvent visualiser la position de chaque véhicule sur une carte et être alertés en cas d’incident sur une commande. »

© Eliane Kan