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Patrick Haas (En Toute Sécurité) : « Les entreprises de sécurité ont donc une nouvelle fois démontré leur souplesse et leur réactivité »

Le marché du secteur de la vidéosurveillance a connu une progression de 6,9 % en 2021 contre 5,1 % en 2020 et 2019. © Agence TCA
Article publié sur le site Infoprotection.fr - Le 1er décembre 2023

Référence incontournable, l’Atlas 2022 d’En Toute Sécurité vient de sortir. Parmi ses enseignements, le marché de la sécurité privée a connu une croissance de 6,1 % en 2021. Une progression spectaculaire. Voire historique. Mais ce formidable rebond se ralentira en 2022 et plus encore en 2023.

Après une année 2020 en nette baisse, comment s’est déroulée la reprise du marché de la sécurité privée en en 2021 ?

En 2020, le marché de la sécurité privée avait connu une baisse de 2,9 %, bien plus forte qu’en 2009 (-1 %) mais il a quand même surperformé par rapport au reste de l’économie française qui avait subi la crise sanitaire. En 2021, le rebond attendu a été spectaculaire avec une croissance de 6,1 %. C’est énorme ! Il faut remonter à 2002 pour retrouver une progression de 7,8 %. En ce qui concerne la croissance des ventes, l’année 2021 peut même être qualifiée d’historique pour s’inscrire à 32 milliards d’euros de chiffre d’affaires cumulé. Bref, les conséquences économiques néfastes de la crise sanitaire de 2020 semblent s’effacer puisque les ventes de 2021 dépassent celles de 2019. Les entreprises de sécurité ont donc une nouvelle fois démontré leur souplesse et leur réactivité. Quant aux estimations pour 2022, elles atteignent +5,2 %.

Quels sont les facteurs qui expliquent cette croissance historique ?

Une forte demande de la part des directeurs sécurité après la parenthèse des contrats gelés pendant la crise sanitaire, une évolution des besoins vers des solutions intégrant davantage de valeur ajoutée, des entreprises de sécurité en nettement meilleure forme, des pouvoirs publics davantage conscients des enjeux… Mais l’on remarque également la prise de conscience des donneurs d’ordre en faveur d’un recours plus important aux nouvelles technologies afin de collecter davantage de renseignements sur leurs sites mais aussi la volonté de moins faire appel à la surveillance humaine. Une tendance d’ailleurs largement encouragée par l’Etat qui y voit un moyen de remédier à la pénurie actuelle de personnel et de favoriser la montée en gamme de la profession.

Le marché du secteur de la vidéosurveillance a connu une progression de 6,9 % en 2021 contre 5,1 % en 2020 et 2019. © Agence TCA

Quels sont les gagnants de cette reprise ?

En fait, la reprise s’observe dans la quasi-totalité des secteurs répertoriés dans cet Atlas. Ce qui est assez inédit : 19 sur 22. L’activité la plus dynamique est la sûreté aéroportuaire (+14 %) qui traduit la reprise du trafic aérien. Cependant, le secteur est loin de son niveau pré-pandémique de 2019 puisque la chute avait été de 39,7 %. Quant à la protection rapprochée, elle a enrayé son effondrement lié à la crise sanitaire (30,6 %) qui avait provoqué l’arrêt quasi total de la protection des personnalités. Le secteur revient à +2,9 % en 2021. Le retournement de tendance est également très prononcé dans l’alarme anti-intrusion, passant de 7,8 % à +8,9 %, soit une croissance deux fois plus rapide que celle enregistrée ces dernières années. Moins affecté en 2020 (+0,9 %), le contrôle d’accès affiche un beau score l’année suivante (+8 %), le meilleur depuis 2001. Parmi l’avalanche des records, le secteur des EPI, affiche une performance historique (+6,7 %) qui n’avait pas connu une telle croissance depuis 2000. Autre record battu, celui de la sécurité incendie avec une croissance de 7,6 %. Mentionnons aussi les belles progressions de la télésurveillance résidentielle (13,6%), soit le taux le plus rapide depuis 2004. ainsi que celle de la vidéosurveillance (+6,9 %).

Et les perdants ?

Pour la première fois depuis de très longues années, la sécurité privée aligne des performances moins bonnes que celles de l’économie du pays. En effet, le PIB de la France a rebondi de 6,8 % en 2021. La très légère différence (0,7%) résulte d’une reprise tardive de certaines activités comme la sécurité intérieure de l’État, l’ingénierie de sécurité ou le transport de fonds. Trois secteurs sont en perte de vitesse. Tout d’abord, le secteur de l’intervention sur alarme (-6,7%). Après un record à (+9,2%) l’année précédente car la pandémie avait nécessité davantage de missions sur sites fermés. En 2021, les sites ont rouvert donc le nombre de missions a chuté. Vient ensuite le secteur de la démarque inconnue qui connaît une baisse de 0,4 % de la part des enseignes de la grande distribution en 2021 et surtout le transport de fonds (-2,7% en 2021 ; -10,3 % en 2020), concurrencé par l’explosion du paiement sans contact (un paiement sur deux) et par les ventes en ligne.

Quelles sont les prévisions pour 2022 ?

Tout risque de changer en 2022 et plus encore en 2023 en raison de la guerre en Ukraine et de ses répercussions sur l’économie (retour d’une inflation galopante, pénurie d’énergie, rupture d’approvisionnement dans la chaîne logistique, pénurie de main d’œuvre…). Selon Bercy, le PIB de la France devrait progresser de 2,5 % en 2022, soit quatre fois moins que l’année précédente. Tandis que la filière de la sécurité privée devrait mieux s’en sortir avec une croissance de 5,2 %, selon nos estimations. Un seul secteur, le transport de fonds, sera en décroissance. Cependant, quatorze secteurs vont connaître un ralentissement de leur croissance. Ce ralentissement sera plus significatif pour le secteur du gardiennage et, dans une moindre mesure, pour la sécurité électronique. Bercy prévoit une inflation de 5,3 % en 2022. Ce qui va contraindre les sociétés de sécurité privée à augmenter leurs prix. Pas évident ! Reste que le défi le plus difficile à relever se situe sur le terrain de l’emploi : il manque 15 000 personnes pour remplir tous les besoins de la filière sur un total de 255 000 salariés. Sans compter le besoin de 30 000 postes supplémentaires à mobiliser pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2022.

Et 2023 ?

La morosité de l’économie va s’accentuer en 2023 avec une prévision de croissance aux alentours de 1 % selon les experts de Bercy. Mais il se pourrait que l’économie française entre en récession et que l’inflation soit supérieure à 4 %.

 

Propos recueillis par Erick Haehnsen