Destinés à améliorer les conditions de travail et diminuer la pénibilité des tâches, les nouveaux Wearables se veulent plus légers et confortables pour mieux répondre aux besoins des utilisateurs et moins onéreux pour leurs employeurs.
Première cause d’arrêt de travail et de maladie professionnelle, la lombalgie pèse sur les finances des entreprises. En moyenne, les salariés atteints de lombalgie bénéficient d’un congé maladie durant deux mois. Ce qui représente pour l’entreprise un coût moyen de 8 000 euros. Un argument mis en avant par les fabricants et intégrateurs d’exosquelettes. Rappelons que le port de ces orthèses vise à améliorer les conditions de travail en limitant la pénibilité des tâches ou des postures. De quoi prévenir ou soulager les troubles musculosquelettiques (TMS) en cas de port de charges lourdes, gestes répétitifs, postures bras ou mains en l’air, etc. Constitués d’une armature rigide ou textile, ces dispositifs apportent une assistance physique en restituant à l’utilisateur l’énergie dépensée lors de l’effort. Il existe différents types d’exosquelettes qui agissent, selon les besoins, au niveau des bras, dos, épaules, nuque, mains ou encore jambes. Sur le plan technique, on distingue deux types de Wearables. Les actifs qui délivrent une assistance motorisée et les passifs qui disposent de ressorts, élastiques, amortisseurs pneumatiques ou encore de lames de matériaux composites. Apparus à la fin du siècle dernier, ces dispositifs ont beaucoup évolué au fil des retours d’expérience.
« Les exosquelettes sont aujourd’hui beaucoup plus légers grâce à leur structure en textile, plus confortables et facilement désactivables », observe Pierre-André Foix, directeur d’Exofair/Fox Innovation, un intégrateur d’exosquelettes qui cite en exemple ce Wearable qui se distingue par ses tenseurs à mémoire de forme. Situés dans le haut du dos, ils renvoient la charge énergétique sur les cuisses afin d’éviter la pression sur la partie lombaire.
Visant notamment le secteur de la logistique, le LiftSuit procure une assistance de 8 kg alors qu’il pèse moins de 900 grammes. Conçu et fabriqué par le suisse Auxivo, il fait partie des modèles les plus vendus sur le marché selon Pierre-André Foix qui développe avec des experts européens une plate-forme qui vise à aider les entreprises, selon leur cahier des charges et leur implantation, à choisir leurs modèles.
De quoi leur simplifier la vie sachant que le marché mondial rassemble plus de 60 fabricants dont une dizaine en Suisse et en France. Parmi les acteurs français, citons, entre autres, Ergosanté, Exhauss, HMT, Japet et RB3D.
Dans ce panorama, la plupart de ces acteurs ont intégré un bureau d’études qui accompagne les clients afin de les aider à déterminer leurs besoins, analyser le poste de travail, tester les produits avec les utilisateurs, les former et accompagner les entreprises dans leur déploiement. A l’exemple du constructeur HMT (Human Mechanical Technologies). Créée il y a cinq ans, cette PME fabrique ses propres exosquelettes à Tarbes où elle compte une dizaine de personnes dont quatre ingénieurs et deux ergonomes.
« Nous avons créé en interne notre cabinet d’ergonomie qui est référencé par la Carsat », déclare Kévin Régi, le président qui a cofondé HMT avec d’autres ingénieurs diplômés de l’Ecole nationale d’ingénieurs de Tarbes. À la différence des intégrateurs qui ne regardent en général que la partie physique, nous menons une démarche globale. »
Ces ergonomes prennent en compte l’organisation du travail ainsi que les facteurs environnementaux et organisationnels, ce qui va orienter leur réponse. Parmi ses derniers exosquelettes, citons Moon, un exosquelette pour le cou. Point fort de ce Wearable de 250 grammes, il s’enfile rapidement comme un sac à dos et pour régler l’assistance, il suffit de tirer sur les bretelles. Dès lors, il va suivre les mouvements du cou pour soutenir le poids de la tête. Ce qui intéresse notamment les caristes, peintres, etc. Dernier né de HMT, Wave, un exosquelette d’1,8 kg qui soulage le dos en transférant le poids du tronc vers les jambes. Il a été co-développé avec La Poste.
« A la différence des autres exosquelettes dorsaux, l’utilisateur n’a pas besoin de le désactiver quand il doit se déplacer car lorsque Wave détecte le mouvement de la marche, il se désenclenche automatiquement », explique Kévin Régi qui prévoit de le commercialiser en juillet.
De son côté, Japet propose aux entreprises un diagnostic en ligne afin de vérifier si son exosquelette répond à leur besoin. « Si c’est le cas, nous les accompagnons dans leur démarche d’intégration », indique Amélie Blondeaux, Chief Desing Officer et cofondatrice de l’entreprise avec Damien Bratic le COO et Antoine Noël, le CEO. Basé à Loos (Nord) près de laquelle se situe une partie de sa chaîne d’assemblage, l’entreprise créée en 2016 réalise un chiffre d’affaires d’un million d’euros pour 2021 avec une trentaine de collaborateurs dont des ergonomes, ingénieurs mécanique et biomécanique et un neurochirurgien.
Japet compte 500 utilisateurs dans 100 entreprises dont Bridor et Herta dans l’agroalimentaire, FM Logistic, Naval Group et SNCF. Son produit vedette, le Japet.W, est équipé de quatre micro moteurs ainsi que de capteurs qui détectent et suivent les mouvements de l’utilisateur. Ce qui procure aux utilisateurs de nombreux avantages. D’abord, cette orthèse de 1,6 kg libère la pression douloureuse exercée sur les disques lombaires, s’adapte aux mouvements de l’utilisateur et limite les mauvaises postures contraignantes ainsi que la fatigabilité liée aux mouvements répétitifs. De quoi restaurer les capacités des salariés et favoriser leur maintien dans l’emploi. L’entreprise qui veut diviser ses coûts de production par trois a prévu de sortir fin 2024 une nouvelle version encore plus fine et très discrète pour le particulier. De quoi favoriser davantage son acceptabilité par les salariés.
Un critère que prend bien sûr à son compte Ergosanté. L’entreprise créée à Anduze (Gard) en 2013 par Samuel Corgne, conçoit, fabrique et distribue des solutions techniques sur mesure pour améliorer les conditions de travail des personnes valides et non valides. A l’exemple de ses exosquelettes fabriqués en matériaux composites et textiles principalement dédiés à l’assistance du dos et des épaules. « Nous avons fait un gros travail de simplification et complètement internalisé la production tout en améliorant le confort, la légèreté, la facilité d’utilisation de nos produits ainsi que leur design afin qu’ils soient mieux acceptés par les utilisateurs », explique Samuel Corgne, fondateur et dirigeant d’Ergosanté.
Fort de cette approche globale, l’entreprise propose désormais des exosquelettes à un prix allant de 1 500 euros (pour le Hapo V2) à 2 000 euros (pour le Hapo MS) contre près de 10 000 euros en 2018 pour le Shiva qui était le premier modèle. « Jusqu’en 2021, nous avons déployé 2 500 exosquelettes, nous comptons en vendre cette année 4 000 au rythme de 400 à 500 unités par mois, ce qui fera de nous un des plus gros acteurs », fait valoir le dirigeant l’entreprise qui compte 180 collaborateurs dont une trentaine en R&D. Cette équipe compte notamment des ingénieurs en matériaux composites, textiles et biomécanique ainsi qu’un docteur en ergonomie. Grâce à une levée de fonds de trois millions d’euros auprès du fonds Mutuelle Impact, l’effectif devrait passer à 200 personnes cette année pour un chiffre d’affaires prévisionnel de plus de 20 millions d’euros contre 14,5 millions d’euros en 2021.
En France, il dispose d’un réseau de dix-huit agences qui distribuent ses produits. Parmi les produits distribués, le Hapo MS réduit la pénibilité au travail en venant soulager les membres supérieurs en particulier les épaules lorsque l’opérateur travaille à mi-hauteur avec les bras en extensions devant lui, une posture qui concerne de nombreux corps de métiers et plus encore d’applications, comme le tri des déchets, du BTP, la maçonnerie ou encore le travail en salle de traite.
Les exploitants laitiers ne sont pas les seuls agriculteurs à s’intéresser aux capacités des exosquelettes à limiter la pénibilité des tâches et améliorer les conditions de travail. C’est aussi le cas des viticulteurs qui y voient un moyen de rendre plus attractif leur métier pour résoudre le problème de pénurie de main d’œuvre et le maintien des compétences. Un segment de marché que creuse depuis peu RB3D (Robotiques 3 Dimensions) avec Exoviti, un nouvel exosquelette. Contrairement à ses prédécesseurs dont l’Exopush et l’Exoback, ce dernier est un dispositif d’assistance dépourvu de moteur. Un nouveau virage pour cette PME de 10 personnes créée en 2001 à Moneteau (Yonne) en région Bourgogne. Son nouveau-né, l’Exoviti (1,9 kg) se compose d’un harnais textile et d’une structure carbone. Rapidement adaptable à la taille de l’opérateur, qu’il fasse 1,50 m ou 1,90 m, il s’enfile en moins d’une minute.
« Lorsque le professionnel travaille le buste penché en avant, l’exosquelette soutient et maintient son dos aligné, ce qui limite la fatigue des muscles dorsaux tout en réduisant la compression des disques intervertébraux », indique Serge Grygorowicz, fondateur et président de RB3D. Testé par plus d’une centaine de personnes, cet exosquelette a été codéveloppé avec des professionnels du secteur afin de les aider dans la taille des vignes. Mais aussi le bêchage, piochage et autres tâches manuelles. « En plus des viticulteurs, d’autres professionnels comme les horticulteurs et les maraîchers sont susceptibles d’être intéressés », estime le dirigeant qui espère vendre pour la première année de commercialisation 250 exosquelettes sachant que plus de 100 ont déjà fait l’objet d’une prévente.
Parmi d’autres acteurs historiques citons aussi Exhauss, qui a déployé en l’espace de 10 ans plusieurs milliers d’exosquelettes dans le BTP notamment. A l’exemple du groupe Fayat qui vient d’en déployer trois d’un coup. Dont deux Stronger. « Ces exosquelettes polyvalents ont notamment la particularité d’être reconfigurables simplement par l’opérateur en fonction de ses besoins », rapporte Pierre Davezac, le fondateur et dirigeant d’Exhauss. Derniers nés, des exosquelettes polyvalents qui supportent 25 kg pour un poids allant de 5 kg à 6 kilos dont quelques centaines de grammes seulement répartis uniformément le long des bras et du dos. Ils disposent d’une suspension à tendeur latex très douce qui apporte à l’utilisateur un vrai confort. À cela s’ajoute une assistance à la fois iso-élastique (zéro gravité) et progressive. En outre, il dispose d’une omoplate orbitale qui pivote d’avant en arrière de sorte à auto-ajuster l’exobras à la longueur des bras de l’opérateur. Autant de qualités qui ont séduit plusieurs grands acteurs de la logistique comme DHL, XPO ou encore Les postes française et suisse. « Toutefois, pour que ce marché des exosquelettes décollent massivement, il manque encore les retours de terrain des opérateurs pionniers qui permettront d’ouvrir la voie et de permettre aux entreprises de calculer un ROI », estime Pierre Davezac.
Eliane Kan