Avec des cycles de vente de 12 à 24 mois, les startups spécialisées en IA doivent tenir la route commencer à facturer. Grâce aux associations industrielles et maintenant au Comité stratégique de la filière des industries de sécurité (CSF-IS), elles espèrent accélérer la cadence.
Né en février 2020, le Comité stratégique de filière des industries de sécurité (CSF-IS), présidé par Jacques Darmon, DGA de Thales et président du Conseil des industries de la confiance et de sécurité (CICS), compte structurer un secteur économique qui, selon le dernier Atlas d’En Toute Sécurité, pèse 29,7 milliards d’euros et emploie près de 150 000 salariés. En tête de ses projets structurants, vient la sécurisation des grands événements et des Jeux olympiques de 2024. Suivent la cybersécurité, l’identité numérique et de la souveraineté numérique.
« Citons aussi l’axe ‘‘Territoires de confiance’’ qui, en France, vise un leadership éthique sur la sécurité de la ville intelligente et connectée, au travers de solutions globales pour les collectivités locales et les sites sensibles », souligne Dominique Legrand, président de l’Association nationale de la vidéoprotection (AN2V), une des principales associations industrielles du CSF-IS aux côtés d’Hexatrust (cybersécurité), du Gicat (industries de défense), du Gican (construction navale) et de la FIEEC (industries électroniques). Point fort : « Nous aidons les collectivités territoriales et les grands groupes acheteurs de technologies de sécurité-sûreté à structurer leur demande, reprend Dominique Legrand. Ensuite, nous leur présentons les startups et PME innovantes du tissu industriel français et européen susceptibles d’y répondre. Soit avec un produit sur étagère, soit avec leur capacité de R&D pour élaborer une solution nouvelle. Difficile, autrement, pour ces jeunes pousses, de se faire connaître des grands groupes. »
« Ces associations nous aident aussi à anticiper les réglementations qui structurent les fondements de notre marché », explique Julien Trombini, PDG de Two-i, une startup d’intelligence artificielle au service de l’analyse vidéo pour la Smart & Safe City, créée en 2017 qui emploie 25 salariés. Règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD), reconnaissance faciale… les sujets ne manquent pas ! À l’instar d’autres startups, Two-i espère que des structures comme le CSF-IS ou l’AN2V contribueront à accélérer les cycles de vente (12 à 24 mois) auprès les grands groupes, qu’ils soient intégrateurs ou acheteurs de leurs technologies. Basée à Metz, Two-i a noué un partenariat avec le tandem Nvidia (CA 2022 : 25 milliards d’euros), le ténor américain des cartes graphiques utilisées en analyse vidéo et en IA, et le danois Milestone Systems (CA 2021 : 153 millions d’euros), un leader des logiciels de supervision en sécurité-sûreté. « En collaboration avec les ingénieurs de ces deux groupes, nous avons développé du code spécifique pour porter notre solution d’IA sur les plateformes matérielles de Nividia et l’environnement logiciel de Milestone. Ce qui a pris cinq mois », précise Julien Trombini. Le prix à payer pour que les algorithmes de la startup soient référencés dans leurs catalogues respectifs d’applications durant leurs opérations d’avant-vente au sein des grands groupes mondiaux.
Pour sa part, XXII, créée en 2015 par William Eldin et Damien Mulhem à Paris-La Défense, opère sur le créneau de l’IA et de la vision par ordinateur avec ses 65 salariés (chiffre d’affaires de 3,5 millions d’euros en 2021). En 2017, bien avant la création du CSF-IS, elle a ‘‘chassé’’ sur Linked-in les profils liés aux problématiques de sécurité-sûreté et vidéo intelligente de la SNCF. « Notre technologie résout un fléau : le bagage abandonné qui coûte extrêmement cher à la SNCF, se souvient William Eldin, PDG de XXII. En deux ans, nous avons réalisé une douzaine de POC sur les bagages abandonnés, les agressions, les gens qui pénètrent sur les voies, les poubelles qui débordent… » A chaque POC, l’équipe de sécurité remettait de précieux compte-rendus précis et circonstanciés, avec des pistes d’amélioration. « Nous sommes alors passés à la phase de pilotes intégrés au fonctionnement des métiers pour savoir si l’industrialisation serait possible. Cette phase a duré de six mois à un an selon les pilotes. » Résultat : un retour opérationnel très documenté avant de transformer le pilote en licences d’exploitation. En rajoutant le retard pris en raison du Covid, ce cycle de vente a pris trois ans ! « Nous l’avons mis à profit pour peaufiner notre offre et aller voir d’autres partenaires », confie le PDG de XXII. Notamment pour rentrer chez Renault et dans un fonds d’investissement.
© Erick Haehnsen