La transition énergétique est l’affaire de tous. De plus en plus de projets et d’expérimentations associant les acteurs de la logistique et les élus des territoires sont en cours.
L’interdiction en 2040 de commercialiser des poids lourds diesel en France va obliger les entreprises de transport, commerçants et autres acteurs de la logistique urbaine à se concerter et à se réorganiser. L’enjeu étant d’optimiser les flux de manière à les rendre plus efficients en recourant à de nouvelles organisations, comme la mutualisation des livraisons ; Et à des moyens de transport plus vertueux, comme des véhicules autonomes, ou des camions électriques ou encore des poids-lourds et cyclo-cargo roulant à hydrogène. Dans ce contexte, plusieurs projets de recherche ainsi que des expérimentations associent des acteurs de la logistique urbaine et des territoires.
Expérimentation avec les élus du Grand Paris Seine-Ouest
À l’instar du projet Evolue (Engagement volontaire pour une logistique urbaine efficiente) porté par trois organisations. À savoir France Supply Chain (anciennement Aslog) une association qui rassemble plus de 500 entreprises, le club Demeter qui œuvre depuis 10 ans pour une logistique responsable. Sans oublier l’Institut du commerce qui travaille sur les métiers de demain. Avec le projet Evolue, ces trois organisations souhaitent améliorer l’efficience de la logistique urbaine en partenariat avec les élus. Le projet s’inscrit en effet dans le Grand Paris Seine-Ouest qui regroupe huit villes dont Meudon, Boulogne Billancourt et Issy-les-Moulineaux. Soit un territoire de 325 000 habitants et quelque 1 700 établissements desservis par un réseau de quelque 70 km de routes. Lancé en 2020 pour s’achever en 2023, le projet va réclamer un million d’euros financé à hauteur de 550 000 euros par la région Île-de-France au titre d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI). Le reste proviendra notamment de ses partenaires techniques dont font partie le cabinet d’avocats LLC, Mines ParisTech et SprintProject, une entreprise spécialisée dans l’innovation ouverte, ainsi que l’éditeur PTV Group. Ce dernier fournit des outils de modélisation et de simulation de la mobilité sur les territoires.
Données fournies par les transporteurs
Sur la base de données collectées, les outils visent à reconstruire et analyser l’impact des flux existants, et simuler les itinéraires ainsi que les gisements d’optimisation des tournées. « Dans cette perspective, une vingtaine de transporteurs représentant un pourcentage significatif des marchandises en ville vont nous fournir, sur une période prédéfinie, des données issues de leur gestion de tournées », résume Eymeric de Pelleport, chef du projet Evolue et directeur du développement et des partenariats chez SprintProject. Ces informations qui seront anonymisées porteront sur le nombre de colis livrés, leur poids, les itinéraires suivis, etc. Ce qui aidera à connaître les flux urbains et à proposer des solutions efficientes basées sur de nouvelles organisations comme la mutualisation des livraisons. Laquelle nécessite de connaître la circulation des flux de marchandises et de les comprendre. Les premiers résultats d’analyse des données sont attendus pour le deuxième semestre de l’année. Ce qui permettra notamment de déterminer l’emplacement idéal d’un entrepôt et de tester des solutions alternatives. Par exemple, concevoir de nouvelles infrastructures comme des micro hubs urbains, utiliser de nouveaux moyens de transport comme les véhicules doux, ou encore accompagner les territoires dans leur réflexion autour des stationnements de livraison en ville.
Le Data Sharing, qui consiste à partager des indicateurs entre les différents acteurs de la logistique et les territoires, s’annonce stratégique pour aider les élus à mieux connaître les mobilités de la logistique ainsi que leurs émissions de CO2. « Même si ce partage se fait en différé, par exemple tous les ans ou tous les semestres, ce type d’outil va permettre aux villes de suivre l’évolution de la logistique urbaine sur l’ensemble de leur territoire, de faire leur bilan carbone et de mesurer aussi l’impact des décisions publiques sur la logistique », recommande Laetitia Dablanc directrice de la chaire Logistics City de l’Université Gustave-Eiffel qui observe le développement de cette pratique à l’étranger. Notamment en Espagne et aux Pays-Bas. « Le Data Sharing avance très vite à Rotterdam et à Barcelone où les transporteurs doivent fournir des indicateurs sur leurs livraisons », rapporte la chercheuse.
Aires de livraison connectées
Dans ce contexte, les aires de livraisons connectées à l’aide de caméras vidéo et de capteurs enfouis dans le sol vont apporter aux villes de précieuses informations sur l’utilisation de leur voirie. Des initiatives sont en cours notamment à Paris. La capitale finance cette expérimentation grâce à une subvention délivrée par la région Île-de-France au titre d’un AMI Fret et logistique. L’expérimentation a démarré depuis le second semestre 2021 dans le 4ème arrondissement de la capitale. Laquelle entend réduire les places de stationnement dans l’espace public sans supprimer les aires de livraison dont les élus parisiens souhaitent mieux connaître le fonctionnement. Par exemple la durée et l’heure de stationnement ou encore le type de véhicule utilisé. Pour récolter ces données, deux startups apportent leurs technologies au projet. Il s’agit de Parking Map et de Parkunload. Cette dernière délivre une plateforme qui régule, contrôle et surveille les zones de stationnement gratuites à durée limitée pour les véhicules autorisés. Une quinzaine d’entreprises de transport et de logistique sont impliquées dans l’expérimentation. Leurs livreurs disposent d’une appli dédiée sur leur smartphone pour identifier les aires de livraison disponibles et réserver leur place.
Robots de livraison à Montpellier
Autre sujet d’étude pour la chaire Logistics City, la progression dans les villes des robots de livraison qui connaissent une belle avancée en Chine et aux États-Unis. « Selon les lieux où ils opèrent, ces solutions s’avèrent économiquement rentables », rapporte Laetitia Dablanc. En France, on dénombre une demi-douzaine de types de robots ou de drones en expérimentation. À commencer par le projet SAM-Carreta. L’expérimentation prévue pour une durée de 36 mois se déroule depuis la mi-septembre dans les rues de Montpellier en collaboration avec les entreprises Stef et La Poste. Elle implique les droïdes TwinswHeel conçus et fabriqués par le français Soben, une PME de 28 personnes installée près de Cahors (Lot). Ses robots sont capables de transporter de 50 à 300 kg mais aussi de suivre un « maître » pour le soulager du port de charges lourdes. Équipés d’une caisse mobile interchangeable, ils savent aussi circuler en mode autonome à la vitesse de 6 km/h dans une ville en suivant des routes virtuelles. « Le robot achemine seul les caisses mobiles jusqu’au livreur ou au postier qui les remet à ses destinataires », résume Vincent Talon, président de Soben. Côté sécurité, ce robot est équipé de capteurs tels que des lidars, caméra 3D, etc. Autant d’équipements qui contribuent à la sécurité des piétons. « En effet, lorsqu’il détecte un obstacle, il s’arrête automatiquement », ajoute le dirigeant qui espère vendre 4 000 robots en Europe d’ici 2026.
© Eliane Kan