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La filière sucre intensifie ses investissements

en décarbonation

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Unité de cogénération à la sucrerie Sainte-Emilie à Villers-Faucon (Somme). Un nouvel investissement de 25 millions d’euros (dont 6,9 millions d’aide de l’État) porte une unité de séchage indirecte de pulpes de betterave qui sera opérationnelle en septembre 2023. Résultat attendu : une diminution de 90 % des émissions de GES de l’activité de séchage. © Cristal Union

Chaudières à gaz ou à biomasse bois, méthaniseurs… l’industrie sucrière est intensivement utilisatrice d’énergie. Pour s’affranchir du charbon et du fioul, elle mobilise des investissements à plusieurs dizaines millions d’euros par équipement.

Avec 3,602 millions de tonnes en 2020-2021, selon Cultures Sucre, dont 3,382 millions de tonnes issues de la betterave, 21 sucreries font de la France la première productrice de sucre en Europe – la neuvième au niveau mondial. Cultivés sur 421 000 ha par 23 700 planteurs dans une trentaine de départements du nord de la Loire et de l’est, les 27,1 millions de tonnes de betterave se valorisent non seulement en sucre mais aussi en éthanol (8,7 millions d’hectolitres) pour la parfumerie, les cosmétiques ou les gels hydroalcooliques… Dont 3,5 millions hectolitres de biocarburants.

S’affranchir du charbon avec le gaz naturel

Second poste de dépense après les matières premières, « l’énergie représente 20 % à 30 % de nos coûts de production », estime Vincent Batteux, directeur de l’excellence opérationnelle de Tereos Sucre France (CA : 4,3 milliards d’euros ; 23 000 salariés) qui, après les usines de Connantre (Marne) et de Lillers (Pas de Calais), a investi à Escaudœuvres (Nord) dans l’installation 24 millions d’euros d’une chaudière gaz en remplacement de l’ancienne chaudière à charbon. Elle devrait être mise en service en avril 2022. De cette décarbonation, le sucrier retire deux bénéfices. Tout d’abord, une réduction de 97 % de dioxyde de soufre, de 95 % de dioxyde d’azote et de 40 % de CO2. Ensuite, un plan logistique allégé puisque le gaz affranchit l’usine des 1 800 camions nécessaires pour alimenter la chaudière à hauteur de 1 200 kg der charbon à l’heure.

120 millions d’euros investis en deux ans

De son côté, la coopérative Cristal Union (CA : 1,7 milliards d’euros en 2021 ; 2 000 salariés) fait figure de pionnière avec sa stratégie de décarbonation entamée depuis plusieurs années. Résultat, c’est aussi le premier acteur de la filière à décrocher la certification ISO 50001 (maîtrise de l’énergie) pour l’ensemble du groupe qui compte treize sites industriels. « Nous sommes passés à la biomasse bois sur la partie distillation depuis 2010 sur trois de nos quatre sites. Et nous avons éradiqué le fioul et le charbon au profit du gaz naturel pour la partie sucre depuis 2018 sur huit sites, précise Pascal Hamon, directeur industriel de Cristal Union. Résultat, entre 2010 et 2020, nous avons réduit par tonne de betterave nos émissions annuelles de CO2 de 15 % et de l’énergie consommée de 8 %. » Une stratégie intensément capitalistique puisque la coopérative a investi pas moins de 120 millions d’euros en 2020 et 2021. Dont 40 millions pour la seule chaudière à cogénération d’une puissance de 150 mégawatts de l’usine Sainte-Émilie, à Villers-Faucon (Somme).

70 millions d’euros dans un méthaniseur

« Pour aller plus loin, chaque site aura ses propres gisements de décarbonation en fonction de la spécificité de son processus, de sa localisation et de son environnement économique », souligne Patrick Roiron, vice-président du groupe de travail Climat de l’Uniden qui regroupe en France les plus grands industriels utilisateurs d’énergie. Dans cet esprit, Cristal Union prévoit, dans le cadre de son nouveau plan d’investissement jusqu’en 2030, de réduire de 35 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2015 – soit 265 000 tonnes de CO2. Et sa consommation d’énergie de 17 % par rapport à 2010. Au programme : valoriser, entre autres, l’énergie résiduelle du procédé de séchage de la pulpe de betterave dont les eaux, de 50°C à 60°C, qui pourraient intéresser des maraîchers et exploitants de serres agricoles ayant besoin de calories pour leur activité. Projet phare, la coopérative injecte 70 millions d’euros dans un méthaniseur qui va valoriser la pulpe de betterave pour produire du biogaz afin de remplacer le gaz naturel consommé actuellement par la distillerie. Démarrage prévu en septembre 2023.

 

© Erick Haehnsen – Article publié dans les Echos