Avec son électrolyseur de 330 MW, la cimenterie de Montalieu-Vercieu (Isère) valorisera le CO2 émis en sortie de four afin de produire 200 000 tonnes de méthanol décarboné, soit le quart de la consommation française. © Vicat
Pour limiter les émissions de CO2, le cimentier Vicat et Hynamics, filiale d’EDF, vont prélever une partie de ce gaz émis durant la fabrication du ciment pour le faire réagir avec de l’hydrogène vert afin de produire du méthanol décarboné. Un alcool aux multiples applications jusqu’ici importé.
Selon l’association mondiale du ciment et du béton (GCCA), la fabrication de ciment est responsable de 7 % à 8 % des émissions mondiales de CO2. Cette part est appelée à diminuer en raison de l’impact financier que le coût du CO2 émis va faire peser sur la rentabilité du secteur. Voilà d’ailleurs pourquoi les fabricants de ciment phosphorent sur des solutions qui en limitent les rejets dans l’atmosphère. À l’instar du projet Hynovi porté par le cimentier Vicat (CA : 3,12 milliards d’euros en 2021 ; 9 500 employés répartis sur 12 pays) et Hynamics, une filiale d’EDF spécialisée dans la commercialisation d’hydrogène vert qu’elle produit par électrolyse de l’eau.
Créer une filière de méthanol décarboné
Dans le cadre du projet Hynovi, ce producteur de gaz va se charger d’installer sur le site de Montalieu-Vercieu (Isère), une des plus grandes cimenteries de Vicat en France, un électrolyseur de 330 MW. L’hydrogène vert sera mis en contact avec une partie du CO2 émis en sortie de four afin de produire du méthanol décarboné. Ce composé organique, dont la consommation a doublé en dix ans, intéresse différents secteurs. Entre autres, l’industrie chimique pour la fabrication par exemple de plastiques, colles et solvants. Mais aussi l’énergie et le transport pour ravitailler des navires et, demain, trains et voitures. Avec ce projet, les partenaires d’Hynovi espèrent créer dès 2026-2027 la première filière française de production de méthanol décarboné. De quoi aider le pays à retrouver sa souveraineté énergétique sachant que le méthanol utilisé actuellement est produit à l’étranger avec du charbon.
200 000 tonnes de méthanol par an
Stratégique, le projet Hynovi s’inscrit dans les ambitions du groupe Vicat qui souhaite atteindre la neutralité carbone sur l’ensemble de sa chaîne de valeur d’ici 2050. Cela passe notamment par l’amélioration de son efficacité énergétique et par le remplacement d’une partie du clinker, un des composants du ciment, par des argiles activées, moins émissives en carbone. À l’instar du projet Argilor qui prendra place sur le site de Xeuilley (Meurthe-et-Moselle). « Dès 2023, nous comptons ainsi éviter 48 500 tonnes de CO2 par an, soit 16 % des émissions produites sur le site », rapporte Marie Godard-Pithon, directrice performances & investissements du groupe Vicat. Avec le projet Hynovi, l’industriel va un cran plus loin puisqu’il prévoit de récupérer d’ici cinq ans 40 % du CO2 émis par la cimenterie de Montalieu-Vercieu. Soit un demi-million de tonnes par an qui vont servir à fabriquer in situ 200 000 tonnes de méthanol par an. Soit le quart de la consommation totale en France.
Du côté d’Hynamics, le projet Hynovi sera aussi une première. Notamment du fait de la taille de l’électrolyseur qui fera, pour rappel, 330 MW. « Aujourd’hui, on ne sait faire que des électrolyseurs installés dans de petits conteneurs de l’ordre de 1 MW à l’instar de ce qui a été installé à Auxerre pour alimenter les bus de Transdev en hydrogène », indique Christelle Rouillé, directrice générale d’Hynamics. Le projet Hynovi, dont le coût avoisinera plusieurs centaines de millions d’euros, est en cours d’études. Il a d’ailleurs été pré-notifié par l’État français au titre de l’appel « Projets Important d’intérêt européen commun » et se trouve actuellement en cours d’instruction à la Commission européenne. Parallèlement au projet Hynovi, la filiale d’EDF espère en dupliquer le procédé à Heide (Allemagne) sur le site d’un autre cimentier européen. Il s’agit en l’occurrence du suisse Holcim. Cet industriel compte aussi décarboner son activité avec un premier électrolyseur de 500 MW pour affleurer ensuite les 2 GW. Le projet a été aussi prénotifié à la Commission européenne.
© Eliane Kan – Article publié dans les Echos