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L'automatisation gagne du terrain dans les entrepôts 

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Les entrepôts de grande hauteur gagnent du terrain. © Ludovic Lecouster / ID Logistics

Les opérations logistiques sont de plus en plus automatisées. Principales raisons, la recherche de gains de productivité, la satisfaction client et la réduction nécessaire des troubles musculosquelettiques pour préserver la santé des opérateurs.

Les caristes et préparateurs de commande n’ont jamais été autant sollicités. Voilà pourquoi il paraît légitime de se poser la question si, demain, il y aura encore des opérateurs humains dans les entrepôts ? Difficile d’y répondre face à la multiplication en Europe d’entrepôts tout automatisés. À l’instar du site de logistique de Hayat Kim Ya, un fabricant de produits d’hygiène et de nettoyage situé en Turquie qui atteint 46 mètres de hauteur. Ce type d’entrepôt fortement automatisé et de grande hauteur, appelés aussi trans-stockeurs, fait figure d’exception aux yeux des logisticiens français. « Il y a peut-être moins de dix trans-stockeurs dans notre pays car une des principales difficultés est d’obtenir des dérogations sachant que la hauteur standard autorisée dépasse rarement une quinzaine de mètres », estime Diana Diziain, directeur délégué de l’Association des professionnels de l’immobilier logistique et de la supply chain (Afilog). Au pays de Voltaire, l’automatisation progresse d’ailleurs à pas de fourmi. « 5 % des entrepôts et plate-formes logistiques (EPL) d’au moins 5 000 m² disposaient en 2016 d’un système entièrement automatisé pour réaliser une opération logistique », rapportait Valérie Castay, directrice du département des Etudes et Projets à l’AFT (Association pour le développement de la formation professionnelle dans le transport) en se fondant sur le 56ᵉ rapport de la Commission des comptes des transports de la Nation de 2018, le seul dont on dispose aujourd’hui. Cette étude indique aussi que la mécanisation d’opérations sous le contrôle d’un opérateur est plus répandue. Elle concernait 37 % des EPL.

Gageons que depuis 2016, l’automatisation des entrepôts a gagné du terrain. « Il s’agit non seulement de gagner en productivité, d’améliorer la qualité des prestations en évitant les erreurs mais aussi de pallier le manque de main d’œuvre et de soulager les opérateurs », résume Valérie Castay. L’automatisation peut concerner le chargement et déchargement de palettes à l’intérieur de zones de stockage, le tri des colis à haute vitesse, le filmage des palettes, le convoyage des marchandises jusqu’aux zones d’expédition ou encore l’acheminement des produits grâce à des robots autonomes ou filoguidés jusqu’aux préparateurs de commandes. Ces derniers peuvent d’ailleurs être aidés dans leurs tâches par des systèmes d’aide au picking fonctionnant à la voix ou visuel. À l’instar du Pick-to-light qui leur indique d’un signal sonore dans quel bac il leur faut piocher les produits. « La préparation de commande reste une tâche difficile à automatiser », prévient Diana Diziain.

Accélération de la demande depuis trois ans

Le déploiement d’entrepôts partiellement automatisés progresse chez les grands acteurs du 3PL comme Kuehne+Nagel ou DHL ou encore ID Logistics. « Nous constatons une accélération de la demande depuis trois ans », rapporte Samuel Bidolet, directeur des opérations France chez ID Logistics. Le groupe spécialisé dans le transport et la logistique compte une centaine d’implantations en France. Une quinzaine sont semi-automatisées pour les besoins de ses clients. Parmi lesquels, un grand fabricant de cosmétiques et un distributeur de produits de bricolage. Ces sites semi-automatiques sont équipés de convoyeurs, d’unités de stockage automatisées, d’AGV (Automated Guided Vehicles) ou encore de systèmes Pick-To-Light pour aider l’opérateur à sélectionner le bon bac où prélever les produits. 

Ce qui permet d’améliorer la qualité en faveur du client final en évitant les erreurs. Pour aller un cran plus loin, ID Logistics propose à ses clients d’ajouter du contrôle pondéral ainsi que l’affichage sur écran de l’image du produit à prélever. Pour Samuel Bidolet, l’automatisation permet aussi d’optimiser la surface de l’entrepôt. Grâce au trans-stockeur, la hauteur des entrepôts peut dépasser les 30 mètres. Ce qui est un atout à l’heure où la France enregistre une pénurie du foncier. En revanche, les robots travaillant à la verticale et à l’horizontale ne s’appliquent pas aux produits pondéreux ou hors gabarits comme les cabines de douche ou aux produits à très forte rotation.

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Samuel Bidolet, directeur des opérations France chez ID Logistics : « L’automatisation doit surtout répondre aux enjeux de bien-être et de santé au travail. » © Ludovic Lecouster / ID Logistics

Outre les enjeux d’optimisation du foncier et d’amélioration de la qualité du service rendu au client final, l’automatisation doit surtout répondre aux enjeux de bien-être et de santé au travail pour les opérateurs. 

Rappelons à cet égard que dans le transport de la logistique, les troubles musculo-squelettiques (TMS) représentent 95 % des maladies professionnelles reconnues. « Dans un contexte de pénurie de main d’œuvre, il est nécessaire de s’assurer que les salariés travaillent dans un environnement qui réduit les risques de TMS », insiste Samuel Bidolet. 

Dans cette perspective, ID Logitics se fait accompagner par le cabinet conseil AGB Conseil afin d’améliorer l’ergonomie des postes de travail. À l’exemple de ces tapis anti-fatigue qui limitent la pénibilité de la station debout. Ou de ces bacs qui s’adaptent automatiquement à la hauteur de travail.

Financement de la Carsat

Intégrer un robot dans un entrepôt n’est pas forcément hors de portée des PME. « Les dispositifs conçus pour réduire la pénibilité dans l’entreprise sont, sous certaines conditions, éligibles à des financements de la Carsat. S’il s’agit d’augmenter la productivité de l’entrepôt, il existe parfois des soutiens financiers régionaux ou des appels à projets en lien avec l’innovation », fait savoir Valérie Castay. Outre les freins financiers, se pose aussi le problème des compétences nécessaires pour mener à bien un projet de robotisation. Il faut savoir évaluer ses besoins, réaliser un cahier des charges, lancer l’appel d’offres et piloter le déroulement du projet. Autant de compétences dont les PME du transport et de la logistique ne disposent pas forcément en interne.

Il-faut-miser-sur-des-solutions-adaptables-pour-démarrer

Maxence Chrétien, manager au cabinet conseil Citwell Consulting : « Il faut miser sur des solutions adaptables pour démarrer. » © Citwell Consulting

De son côté, Maxence Chrétien, manager au cabinet conseil Citwell Consulting met en garde sur certains pièges à éviter : « D’abord, il ne faut pas chercher à automatiser son entrepôt à 100 %, sachant que certaines activités ne s’y prêtent pas. » D’ailleurs, il recommande de miser sur des solutions souples et modulables. Et ce, dans la mesure où plus l’entrepôt déploie de convoyeurs et de trans-stockeurs – des solutions très productives mais assez onéreuses et peu flexibles -, moins il sera aisé d’adapter son entrepôt aux évolutions du business. 

Voilà pourquoi le manager de Citwell Consulting prône d’investir sur des solutions adaptables pour démarrer. Comme les robots autonomes (AGV) qui permettent d’évaluer l’adhésion des salariés à la robotique et d’avoir une rentabilité rapide. Soit deux à trois ans, selon le niveau d’investissement et le volume de commandes à gérer.

© Eliane Kan et Erick Haehnsen – Article publié dans l’Officiel des Transporteurs