Atteindre d’ici 2030 la neutralité carbone est l’un des enjeux sur lequels ont planchés les acteurs des mobilités et des transports à l’ouverture du sommet Movin’On. Fluctuant encore entre consensus sur l’état des lieux, et dissensus sur les moyens à mettre en oeuvre pour y arriver.
Publié sur lesechos.fr le 2 juin 2021.
Dans sa feuille de route pour 2030 publiée en janvier 2021, la Commission européenne s’est fixée pour objectif qu’au moins 30 millions, sur les 200 millions de véhicules que comptera l’Union en circulation en 2030, soient propulsées par des motorisation zéro émission , et qu’au moins 100 villes européennes soient climatiquement neutres.
Parmi les autres grands objectifs fixés au secteur du transport : le doublement du trafic ferroviaire à grande vitesse, le déploiement massif de la mobilité automatisée et le début de la commercialisation des navires à zéro émission
Quels moyens dès lors mettre en oeuvre pour parvenir rapidement à des transports neutres en carbone ? C’est l’une des grandes questions à laquelle ont essayé de répondre les acteurs des mobilités et des transports réunis virtuellement à Paris, Montréal et Singapour le 1er juin à l’occasion du Sommet Movin’On.
Pour atteindre ces objectifs, « il faut agir vite ! Dès maintenant. Mettre en place les solutions qui existent afin d’accélérer la transition vers la carboneutralité », a lancé en substance Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM.
Le géant mondial du transport et de la logistique compte ainsi, dès le mois prochain, réduire les émissions de CO2 de ses navires de 20 % à 90 % en utilisant du gaz naturel liquéfié (GNL), du biométhane et du biodiesel issu du recyclage des huiles de cuisine. « Ces solutions ne sont pas les meilleurs du monde mais elles sont dès à présent disponibles », poursuit Rodolphe Saadé qui étudie aussi avec ses équipes le projet de camions à hydrogène et d’entrepôts logistiques verts.
Sur la même longueur d’onde, Florent Ménégaux, président de Michelin, estime : « Nous devons investir dans le véhicule zéro émission de façon incrémentale, pas à pas. Je crois en l’intelligence individuelle et collective qui permettra de tenir compte à la santé des citoyens, de l’environnement et de la profitabilité des entreprises qui opèrent la transition énergétique. »
Et d’évoquer, notamment, l’évolution des pétroliers vers la neutralité carbone à l’horizon 2050. Depuis le 28 mai dernier, le champion français du Oil&Gas, Total est devenu TotalEnergies symbolisant son engagement dans des énergies plus propres. Deux jours auparavant, c’est Darren Woods, le patron d’Exxon, qui perdait 35 millions de dollars face au fonds activiste Engine n°1 qui avait rameuté pour l’occasion trois investisseurs institutionnels majeurs (Blackrock, Vanguard et State Street), détenant ensemble plus de 20 % du capital pour l’obliger à accélérer la transition vers des énergies plus propres. « Le chemin vers la neutralité carbone ne pourra pas se faire en laissant ces acteurs de côté », assure Florent Ménégaux.
« Je ne suis pas du tout d’accord ! Ce qui compte, c’est de développer dès maintenant des solutions zéro émission à la fois solides et abordables. C’est ça être réaliste », leur rétorque Jeffrey Sachs, directeur du Centre de développement durable de l’Université de Columbia (New York).
« Nous avons besoin d’une feuille de route claire, pavée de preuves de concept à tester », indique, pour sa part, Julie Sweet, directrice générale d’Accenture. Bref, si toutes les parties prenantes s’accordent sur le but ultime de la neutralité carbone des transports à atteindre d’ici 2030, il n’existe toujours pas de véritable consensus sur les moyens d’y parvenir.
© Erick Haehnsen