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La protection des entrepôts se veut collaborative

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©Pexels-Pixabay

Face aux classiques détecteurs périphériques et périmétriques, les caméras infrarouges et les radars séduisent pour leur simplicité de mise en œuvre. Surtout, les équipements de sûreté deviennent collaboratifs. Outre les éventuelles sirènes, les caméras et autres capteurs peuvent asservir d’autres équipements pour rendre la sécurité collaborative : éclairages, drones, robots patrouilleurs.

Malgré le confinement dû à la crise sanitaire, pas moins de 6 463 incidents de vols de marchandises affectant la chaîne logistique ont été recensés par une étude de l’Association de protection des marchandises transportées (Tapa) dans les 56 pays de la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique). Soit une valeur de 172 millions d’euros pour une moyenne de 471 432 euros. « Bien sûr, ces chiffres ne représentent qu’une fraction des pertes réelles subies par les expéditeurs, les transporteurs et les logisticiens », explique Thorsten Neuman, président de Tapa EMEA. En effet, les données de l’étude se basent uniquement sur les déclarations des entreprises adhérentes à l’association. Autrement dit, les vols ne sont pas signalés dans une écrasante majorité des cas. À cet égard, il n’y aurait eu en France 172 cas de vol répertoriés… Contre 3 100 au Royaume-Unis et 1 727 en Allemagne ! Le principal mode opératoire reste l’intrusion à 48 %, soit 3 103 vols, sur le site où se trouvent les marchandises. Les attaques avec menace et violence étant assez rares à 3,5 % (232 incidents), de même que les vols à partir de véhicules en mouvement (1,7 % soit 108 vols répertoriés). « La plus grande perte financière recensée s’élève à 9 millions d’euros. Il s’agissait d’équipements médicaux », reprend l’étude de Tapa. D’où l’importance de renforcer la sûreté et la sécurité des sites logistiques des transporteurs.

Détecter l’intrusion le plus en amont possible

À commencer par la détection périphérique (autour de l’enceinte du site) et la détection périmétrique (autour d’un bâtiment ou d’un entrepôt sur le site). « Certains sites n’ont même pas de barrière à l’entrée ! déplore Philippe Bénard, responsable de la prescription chez le fabricant de caméras de vidéosurveillance Axis Communications. Et lorsqu’elles s’équipent, elles choisissent les technologies les moins onéreuses. ». À savoir les câbles et capteurs de détection de chocs installés sur les clôtures métalliques du site. Outre les détecteurs de chocs, il existe un grand nombre de technologies : barrières à infrarouge actif, clôtures et bavolets détecteurs, clôtures électrifiées, câbles coaxiaux hyperfréquences enfouis, barrières hyperfréquences… « Ces systèmes ont tous le même but : détecter l’intrusion le plus tôt possible en fonction des risques et de l’environnement », précise Christian Valette, DG de l’activité détection d’intrusion du groupe français Vitaprotech (65 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 2020, 380 salariés). Certains capteurs, comme les barrières à infrarouge actif, recourent à de puissants algorithmes d’intelligence artificielle (IA). Objectif : affiner le processus de détection afin de réduire le taux de fausses alarmes.

Les caméras à intensification lumineuse du chinois HIKvisio, leader mondial des équipements de vidéosurveillance, embarquent des algorithmes d’intelligence artificielle. © HIKvision

Capteurs thermiques et radars

Dans le sillage des détecteurs périphériques et périmétriques, viennent les caméras de vidéosurveillance. Il en existe de deux sortes : les caméras couleur et thermiques. Les caméras couleur ne détectent pas l’intrusion. Elles servent aux agents de sécurité de lever le doute à distance. Autrement dit, à vérifier s’il s’agit bien d’un intrus et non pas d’un animal. « Elles aident aussi suivre (tracking) l’intrus sur le site, souligne Philippe Bénard. Sur les nouveaux sites à équiper, on a intérêt à installer tout de suite une caméra thermique qui, à bord du même équipement, cumule les fonctions de détection d’intrusion et de levée de doute. Et ce, jusqu’à 600 m. » De quoi rentabiliser le poteau porteur ainsi que les travaux de tranchée pour tirer les câbles. « Nous couvrons des distances jusqu’à 2 000 m par caméras thermiques, indique Matthieu Thaller, responsable commercial de Foxstream. Bonne nouvelle : avec le marché automobile, le prix des capteurs thermiques a considérablement baissé. Ce qui rend les caméras thermiques beaucoup plus accessibles. » Avec sa caméra tournante (comme un radar) à infrarouge passif, le français HGH Systèmes Infrarouges va plus loin. « Placée au centre d’un site, par exemple sur un toit, une seule caméra suffit pour couvrir l’ensemble d’un site, souligne Cyril Marchebout, le responsable commercial. On peut reconnaître un homme jusqu’à 3 km. » Pour sa part, ce sont les radars à effet Doppler que démocratise la PME française EPSI. « Nos radars se différencient des radars tournants dans la mesure où les nôtres illuminent en permanence la zone à surveiller. Ils ne remplacent pas les clôtures instrumentées mais sont capables de couvrir des surfaces de 2 ha à 55 ha », Frédéric Chaumeil, directeur d’EPSI.

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Les caméras thermiques embarquent de l’intelligence artificielle. Elles peuvent couvrir une distance de détection de plus de 2 000 m. © Foxstream

Équipements de sûreté collaborative

À partir de la qualification de la cible (une personne, un véhicule…), le radar en envoie les métadonnées (taille, géolocalisation, sens de déplacement, vitesse…) sur le réseau informatique afin d’asservir non seulement des caméras couleur pour la levée de doute mais aussi des éclairages, sirènes ou haut-parleurs. Soit directement soit via les principaux hyperviseurs de vidéosurveillance du marché (CASD, CS Group, Egidium, Genetec, Milestone, Prism…). Dernière tendance : cette sûreté collaborative s’étend jusqu’aux drones autonomes. À cet égard, Axis Communications et EPSI travaillent ainsi de concert avec Azur Drone. De son côté, le fabricant de drones autonomes Hoverseen s’interface aussi avec les grands hyperviseurs vidéo marché. À l’instar des drones d’Aeraccess que dialoguent avec les radars de Thales et d’EPSI, les caméras de HGH Systèmes infragrouges ainsi que celles d’Axis Communications et de HIKvision. « Nos drones volent à une vitesse allant jusqu’à 90 km/h, explique Emmanuel Nabet, directeur général adjoint d’Aeraccess (CA : 2 millions d’euros, 20 salariés). Le drone est asservi au radar mais, grâce à son intelligence artificielle embarquée, il se tient à une certaine distance de l’intrus pour se protéger. »

Robotiser la levée de doute multi-fonction

Dans ce contexte, la société Ubecome apporte son eau au moulin de l’alerte et de la levée de doute en remettant en jeu un robot bien connu : l’e-Vigilante. Détection d’intrusion, de départ de feu et de situation anormale comme la hausse de température ou le son d’une fuite de gaz… Le robot rondier a tous ses sens en alerte. Il couvre 6 000 m² en moins de 10 minutes. Il embarque une kyrielle de capteurs : un lidar à longue portée (jusqu’à 50 mètres) et des roues odométriques (capables de compter la distance parcourue), une caméra temps de vol pour la détection volumétrique et la vision 3D, une caméra thermique, une caméra jour/nuit, un micro interne, un capteur de température et un capteur hygrométrique. « Nous pouvons intégrer d’autres capteurs à la demande. Par exemple des capteurs de gaz ou de particules spécifiques, explique Chockri Baaziz, le fondateur d’Ubercome qui a déployé deux robots chez un transporteur-logisticien. L’avantage du robot, c’est automatiser les rondes sans changer les infrastructures existantes de sécurité-sûreté et de sécurité incendie pour la surveillance d’entrepôts. »

Boîtiers connectés

Toujours à l’intérieur de l’entrepôt, le fabricant allemand de chariots élévateurs Jungheinrich lance ce mois de juin Zone Control, des boîtiers électroniques qui, placés dans les zones à risque, envoient des messages d’alerte pour prévenir les collisions avec les piétons. « À 15 m, le cariste reçoit l’alerte ; à 10 m, on peut forcer la vitesse lente ; à 10 m, on déclenche un gyrophare du chariot pour avertir les piétons », explique Elena Perennes-Lonchamp, responsable des ventes et du SAV Jungheinrich France. De même, ces boîtiers, qui communiquent GSM quadri-bande et GPRS, géolocalisent les chariots et autres équipements sur une carte numérique. S’ils sortent de la zone prédéfinie où ils sont censés se trouver, une alerte se déclenche.

© Eliane Kan et Erick Haehnsen