Publié dans LesEchos.fr. Avec l’hiver 2020-2021, l’accélération de l’e-commerce prend deux ou trois ans d’avance. Très éprouvées, les chaînes logistiques ont fait preuve d’une incroyable résilience. De quoi aborder avec confiance le casse-tête de la livraison des vaccins anti-coronavirus.
Les deux confinements, le Black Friday, les fêtes de fin d’année et la prochaine livraison massive des vaccins anti-Covid-19… les acteurs de la logistique sont dans une effervescence exceptionnelle. « L’e-commerce prend deux ou trois années d’avance sur le calendrier », estime Yann de Ferrody, président de France Supply Chain qui rassemble 450 acteurs de la logistique. Malgré la crise, le chiffre d’affaires annuel du e-commerce en 2020 devrait progresser de 6 % sur un an, contre 11,5 % en 2019, pour atteindre 109,6 milliards, selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad). Côté logistique, le nombre de colis transportés cette fin d’automne est vertigineux
« Avant même le Black Friday, les flux avaient déjà augmenté de 10 % à 20 % »
Pour le second confinement, la croissance de l’activité e-commerce de la grande distribution flambe à 175 % par rapport à l’an dernier. « Avant même le Black Friday, les flux avaient déjà augmenté de 10 % à 20 % », confirme Jean-Sébastien Leridon, directeur général de Relais-Colis, premier réseau de livraison à domicile et en points relais qui s’apprête à traiter 4 millions de colis sur tout le mois de décembre. Au plus fort du pic, sa volumétrie va s’envoler à 400 000 colis par jour. Chez Colissimo (La Poste), la hausse des flux s’est accélérée de 30 % dès le premier confinement. « Ce taux s’est maintenu même après le déconfinement », confie Jacques Gregorcic, directeur national des opérations de Colissimo qui compte livrer 4 millions de colis par jour en décembre contre 1 à 2 millions habituellement !
« Les chaînes logistiques se sont organisées en un temps record.»
« Les chaînes logistiques se sont organisées en un temps record. Cette résilience repose davantage sur les organisations humaines que la technologie, concède Julien Darthout, délégué général du Club Déméter qui rassemble des acteurs de la chaîne logistique. Il n’empêche : « Favorisée par la dématérialisation généralisée des documents de transport, la livraison à domicile a franchi un cap. Et l’e-commerce s’installa à un niveau structurel élevé et durable, estime Alexis Degouy, délégué général de TLF, un syndicat de transporteurs et de logisticiens. L’impact sur logistique urbaine sera rapide et massif. »
Pas de doute, la transformation digitale est pied au plancher. Et, pour les acteurs qui en disposaient déjà, les solutions de gestion d’entrepôt, tri mécanisé de marchandises, planification des schémas de transport et gestion de tournées se sont révélées précieuses. Ils ont donc pris de l’avance. Autre sujet de réflexion : adapter les chaînes logistiques au cross-canal afin de sauter rapidement d’un modèle de distribution vers les magasins à d’autres modèles de livraison en drive, en points relais et à domicile. Pour préparer le ‘‘coup d’après’’, le Club Déméter planche également sur des solutions collectives de planification globale de distribution urbaine à l’échelle d’une ville.
À présent, les logisticiens ont un autre casse-tête à résoudre : transporter des milliards de doses du vaccins anti-coronavirus à toute la planète en quelques mois. De quoi mobiliser 8 000 avions de type Airbus A 480 ou Boeing 747. Bien que fragilisées par la crise sanitaire, les compagnies aériennes ont déjà constitué leur task force interne. Sachant que les vaccins réclament une rigoureuse chaîne du froid à -70°C (Pfizer), -20°C (Moderna), et de 2°C à 8°C (Sanofi), les chambres à température contrôlée se multiplient dans les aéroports. Comme celle d’Air France à Paris-Charles-de-Gaulle. Il leur faut aussi conteneurs spéciaux, des chariots réfrigérants et de la glace carbonique.
« La tâche n’a rien d’inédit.»
Le défi est-il impossible ? « La tâche n’a rien d’inédit. Des milliers de camions en France roulent tous les jours en température contrôlée, dédramatise Alexis Degouy. Sachant que le vaccin arrivera en plusieurs vagues, quelques centaines de camions suffiront à le transporter sur tout le territoire. » Rassurant.
Pendant le mois de décembre, La Poste prévoit de livrer 4 millions de colis par jour. Pour faire face à cette explosion de l’e-commerce, elle a investi en quatre ans 450 millions d’euros sur l’automatisation du traitement des colis et la préparation des tournées. En témoigne, sa nouvelle plate-forme Colissimo Le Thillay située près de Roissy. Destinée aux livraisons en Île-de-France elle dispose de deux trieuses qui offrent une capacité de tri de 32 000 colis à l’heure. Idem pour la plate-forme de Douvrin ouverte en 2019 dans les Hauts-de-France.
En prévision des futures réglementations qui limiteront l’entrée des véhicules thermiques dans les centres ville, DHL dispose d’un modèle d’agence spécifique baptisé Distrigreen pour des livraisons vertes. La première du genre, située au nord de Paris, distribue les colis dans les 18ème, 19ème et 20ème arrondissements avec une vingtaine de véhicules électriques d’une capacité de 6 m³ à 8 m³. Point fort, l’agence dispose de ses propres bornes de recharges rapide. Ce modèle d’agence Distrigreen sera répliqué en 2021 au sud de Paris, à Lyon et à Marseille.
L’arrivée d’un bateau mobilise différents acteurs. Entre autres, les agents maritimes, douaniers, remorqueurs, transporteurs, etc… autant de professionnels qui ont besoin d’anticiper l’arrivée du navire. D’où l’intérêt de S-Wing, une solution digitale et collaborative développée par Haropa qui regroupe Ports de Paris, Seine et Normandie. Récemment acquise par le Grand port maritime de La Réunion, elle fait office de guichet unique. Chacun dispose de l’information dont il a besoin en temps réel. Elle permet aussi aux autorités portuaires de coordonner les différents processus liés à l’escale du navire.
© Erick Haehnsen / Eliane Kan