L'Agence de presse de l'innovation

rhys-moult-7eaFIKeo1MQ-unsplash

©Unsplash/Rhys Moult

La recherche européenne veut doper le TRM de demain

Publié dans L’Officiel des Transporteurs. Pour améliorer la compétitivité de ce secteur, plusieurs programmes sont engagés afin de rendre les routes et les camions communicants, verts et mieux intégrés aux systèmes de pilotage.

Demain, les camions seront plus sûrs et plus efficaces au plan logistique mais aussi plus respectueux de l’environnement en étant moins émissifs et moins impactants sur les infrastructures routières. C’est du moins ce que laissent entrevoir les programmes de recherche financés par l’Union européenne (UE). À commencer par Horizon 2020, le programme-cadre de l’UE. Ce dernier comporte plusieurs volets dont l’un se dédie aux transports intelligents, verts et intégrés (en anglais, Smart, Green and Integrated Transport). Lancé en 2017 avec un budget initial de 879,6 millions d’euros pour la période 2018-2020, ce programme se décline en trois grands appels d’offres.

Le plus important s’intitule Mobility for Growth (MG) ou Mobilité pour la croissance. Il dispose d’un budget initial de 513,6 millions d’euros dont 147,5 millions d’euros pour 2020. Le second défi, Automated Road Transport (ART) ou transport routier automatisé cumule 103 millions d’euros dont 50 millions en 2020. Enfin le troisième défi, Green Vehicles (GV) ou véhicules verts, se voit affecter une enveloppe de 246 millions d’euros dont 112 millions d’euros pour 2020.

Grâce à ce programme qui concerne tous les types de transport (air, mer, routes), l’UE fait de la mobilité un puissant vecteur de croissance pour son économie. Cet objectif passe, entre autres, par l’émergence de véhicules plus vertueux et efficaces et par des systèmes de gestion du transport plus intégrés et connectés. Dans ce contexte, la qualité des infrastructures routières et leur système de gestion jouent un rôle essentiel. L’enjeu est de limiter la congestion et les interruptions du trafic pour cause de travaux de maintenance ou de réparation.

Demain des routes plus communicantes

Il faut rappeler qu’en Europe, l’infrastructure routière souffre du vieillissement des chaussées, ponts et tunnels. Rien qu’en France, un rapport sénatorial estime à près de 25.000 le nombre de ponts en mauvais état structurel. Ce qui pose des problèmes de sécurité et de disponibilité. Fin 2019, l’effondrement du pont de Mirepoix (09) a causé la mort d’une jeune fille de 15 ans et du conducteur du poids lourd en grande surcharge qui a provoqué l’accident. Ce drame nous rappelle qu’il faut toujours adapter les charges aux capacités des ouvrages et respecter la réglementation en vigueur. Pour prévenir ce type d’accident, des recherches actives visent à développer des moyens précis d’instrumentation afin de surveiller l’état des ponts et autres ouvrages. Notamment en les instrumentant avec de la fibre optique et des capteurs. En complément, des systèmes de pesage des véhicules en marche, utilisant des capteurs en chaussée ou des ponts instrumentés, aideront à connaître les charges imposées aux ouvrages et à détecter, voire verbaliser les surcharges.

Des camions plus respectueux de l’environnement

Cette infrastructure intelligente dialoguera avec les véhicules, notamment les poids lourds, pour les guider vers des itinéraires adaptés ou leur donner des consignes quant au franchissement de certains ouvrages. Ces dispositifs pourront également contrôler le niveau de bruit et des émissions polluantes des poids lourds en circulation. L’efficacité énergétique et environnementale des poids lourds progresse de façon continue et le projet européen de recherche Aeroflex (Aerodynamic and Flexible Trucks for Next Generation of Long Distance Road Transport), démarré en 2017 et qui se terminera en 2021, concourt à faire émerger des véhicules encore plus performants. Près d’une quinzaine d’innovations aérodynamiques, de nouveaux groupes motopropulseurs et un chariot robotisé capable d’aller chercher seul une unité de chargement (une remorque) et de la connecter au poids-lourd afin d’augmenter ses capacités d’emport, font partie des innovations proposées.

Dolly, ce chariot intelligent ira chercher les remorques et les attellera automatiquement au poids lourd dans le cadre du programme Aeroflex.
©Aeroflex

De nouvelles normes fondées sur la performance

Sous la coordination du constructeur MAN, ce projet réunit une quinzaine de partenaires dont six constructeurs (DAF Trucks, Iveco, Scania AB, Volvo Group et Fiat Chrysler Automobile) ainsi que Michelin. « Le budget est de 11,8 millions d’euros dont 9 millions sont financés par l’UE », indique Bernard Jacob, directeur scientifique déléguée à l’Université Gustave Eiffel (ex Ifsttar) et membre du comité consultatif d’Aeroflex Les recherches menées par ce consortium ont bénéficié des retombées de deux autres projets. Tout d’abord, Transformers (Configurable and adaptable Trucks and Trailers for Optimal Transport Efficiency), piloté par Volvo Trucks et financé à hauteur de 8 millions d’euros (2013-2017), a proposé des camions et remorques à géométrie variable et adaptable pour optimiser l’efficacité du transport.

Bernard Jacob (Université Gustave Eiffel) :
« L’enjeu du Platooning est d’améliorer la productivité des chauffeurs et des véhicules.« 
©D.R

Puis, Falcon (Freight and Logistics in a Multimodal Context), lancé par la Conférence européenne des directeurs des routes(CEDR) et achevé il y a deux ans, visait à améliorer l’efficacité du transport de marchandises en Europe en contribuant à l’émergence de poids lourds à grande capacité, sûrs et peu agressifs, répondant à des normes performancielles. Néanmoins ceci nécessitera de faire évoluer la réglementation sur la taille et la dimensions des poids lourds qui, actuellement, bride les performances en termes de conception et d’aérodynamisme des attelages. Le projet Falcon a proposé des critères de performances pour les futurs poids lourds afin de préserver l’intégrité des routes, ponts et autres ouvrages routiers. Les véhicules devront démontrer qu’ils se conforment à des exigences de sécurité, manœuvrabilité et d’impact sur l’environnement et sur les infrastructures. « L’Australie a initié cette démarche il y a une vingtaine d’année et a démontré que pour un même tonnage transporté, elle a réduit les émissions de CO2 de 15 % à 20 % », rapporte Bernard Jacob.

Demain, des camions en peloton sur l’autoroute

Enfin, pour compléter le panorama sur les recherches concernant le transport routier de marchandises, citons le projet Ensemble (ENabling SafE Multi-Brand pLatooning for Europe) auquel participe l’Université Gustave Eiffel. Il s’agit de mettre au point les outils pour faire circuler des poids lourds de marques différentes en pelotons. L’enjeu du Platooning vise à améliorer la productivité des chauffeurs et des véhicules par un accroissement du temps de roulage, à  réduire la consommation de carburant et les émissions de CO2. Il s’agit aussi d’accroître la sécurité routière et la fluidité du trafic. Piloté par le centre de recherche néerlandais TNO, le projet réunit entre autres six constructeurs européens de camions (DAF, Daimler, Iveco, MAN, Scania et Volvo), et le CLEPA (association des équipementiers). Il a démarré en juin 2018 et s’achèvera fin 2021. Ces recherches bénéficient d’une aide européenne de 20 millions d’euros pour un budget total de 26 millions d’euros. Des expérimentations sont prévues en Espagne au centre d’études Idiada, une entreprise spécialisée en ingénierie automobile.

Le camion autonome pose la question de l’avenir des conducteurs

L’Association pour le développement de la formation professionnelle dans le transport (AFT) participe à deux programmes européens qui visent à préparer la reconversion professionnelle des professionnels de la route.

L’avènement des poids lourds sans pilote soulève la question de leur acceptation sociale et de leur impact sur l’activité des conducteurs routier. Le temps presse sachant qu’en 2035, la plupart des grands trajets pourraient s’effectuer avec un véhicule complètement automatisé de niveau 5. Soit le degré le plus élevé qui décharge complètement le conducteur de ses activités de conduite. D’où la nécessité de s’interroger sur l’avenir de ces professionnels, des compétences et du savoir-faire qu’ils devront acquérir en vue d’une reconversion professionnelle au sein des entreprises de transport. Autant de questions traitées par le projet Steer to Career DRV qui se terminera l’an prochain et par le projet Future DRV.

« Ces recherches s’inscrivent dans le cadre d’Erasmus +, un programme européen dédié à l’éducation et à la formation », indique Valérie Castay, chef de projet) à l’Association pour le développement de la formation professionnelle dans le transport (AFT). Sur la base d’entretiens menés avec des entreprises de transport, les membres du projet explorent le profil métier du conducteur afin d’identifier quelles sont les activités qui changeront et comment. L’idée étant de développer ensuite un référentiel de formations afin de s’assurer que le conducteur disposera des compétences nécessaires. Le projet prévoit aussi d’établir une cartographie des passerelles professionnelles du conducteur. Ce projet d’une durée de 36 mois est piloté par Transformotion, une entreprise de consulting et de formation britannique.

Valérie Castay (AFT) :
« Le conducteur devra développer ses compétences digitales« 
©AFT

Outre l’AFT, il réunit l’Allemand Dekra Akademie et le Helenic Institute of Transport. Actuellement, le projet planche sur la création d’un programme de formation qui prend en compte les niveaux 4 et 5 d’automatisation. À ce stade, les véhicules sont appelés à rouler de manière autonome sur tout ou partie du trajet, par exemple sur l’autoroute. Ce qui laisse au conducteur le temps nécessaire pour se livrer à d’autres activités. Dans ce contexte, il lui faudra développer ses compétences digitales afin d’exploiter et gérer les outils informatisés et connectés à bord du camion. Il pourra aussi se voir attribuer des tâches administratives comme la facturation du chargement ou le contrôle des temps de conduite ou encore la préparation au passage en douanes.

Des jumeaux numériques pour la logistique du dernier kilomètre

Afin de réduire les émissions polluantes et respecter les intérêts concurrents de toutes les parties prenantes, les jumeaux numériques vont répliquer les réseaux logistiques à la demande dans six villes européennes. Objectifs tester les solutions les plus innovantes.

Financé par le programme européen H2020, le projet LEAD vise à créer les jumeaux numériques (Digital Twins) des réseaux logistiques urbains à la demande de ces six villes européennes : Madrid, La Haye, Budapest Lyon, Oslo et Porto . Financé par le programme H2020, LEAD rassemble 27 partenaires dont le français IRT SystemX.

Dans le cadre de “l’économie à la demande” et de la livraison urbaine du dernier kilomètre à faible taux d’émission, Les Digital Twins vont reproduire numériquement un environnement urbain complexe capable d’inclure les différents processus logistiques, les acteurs et leurs interactions intervenant dans la livraison du dernier kilomètre. Objectif : tester des solutions logistiques innovantes à faibles émissions polluantes. Mais aussi répondre aux exigences de l’économie à la demande. Sans omettre de concilier les intérêts concurrents, tout en créant de la valeur pour toutes les parties prenantes.

Les jumeaux numériques permettront ainsi d’identifier le rôle de chaque partie ainsi que les modèles économiques les plus pertinents. A long terme, LEAD va concevoir un cadre inspiré de l’Internet Physique Ouvert pour la Logistique Urbaine intelligente pour développer des jumeaux numériques urbains utilisables à grande échelle. Y seront testées, entre autres, les infrastructures de recharge pour véhicules électriques.

Madrid, La Haye, Budapest, Lyon, Oslo et Porto, le projet LEAD va construire les jumeaux numériques de livraison du dernier kilomètres dans six villes européennes.
©SystemX