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ClubDemeter-Strasbourg-Monoprix

©Emily Mérick

Logistique : la mise en œuvre de la RSE passe par les écosystèmes

Chargeurs, transporteurs, logisticiens, distributeurs, collectivités locales et instituts de recherche se regroupent dans des initiatives collectives pour élaborer les scénarios de la décarbonation logistique

Au sein d’écosystèmes, la logistique défriche les nouvelles voies stratégiques de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Avec une ambition claire : réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 30 % à l’horizon 2030. Et de 70 % en 2050. « Nos modèles mathématiques aident les acteurs à explorer des schémas logistiques alternatifs. Notamment en mutualisant les chargements des transporteurs ou des chargeurs, évoque Eric Ballot, professeur à Mines ParisTech-PSL. Ces modèles font ressortir la meilleure solution économique ou environnementale. Ou encore un compromis entre les deux. »

En témoigne l’expérimentation en grandeur réelle de livraison urbaine à Strasbourg menée sous la houlette du Club Déméter – qui rassemble 37 institutionnels, transporteurs, logisticiens, distributeurs et prestataires de services logistiques. En septembre 2018, la métropole alsacienne avait revu son plan de déplacement des marchandises. Lequel interdisait les camions de plus de 7,5 tonnes. « Elle n’avait pas anticipé que, pour livrer chaque jour les gros points de vente, comme Monoprix et Naturalia, il fallait remplacer un 19 tonnes par trois porteurs de 7,5 tonnes ou 20 véhicules utilitaires légers (VUL). Les flux, la pollution et la congestion auraient triplé ou quadruplé, poursuit Eric Ballot. Or, avec un poids lourd, on arrive à moins de deux litres de carburant par tonne transportée. Imbattable. » Sachant que les poids lourds électriques à batterie ou à hydrogène sont jugés encore assez futuristes.

La mairie a alors aménagé une dérogation. À condition de livrer les marchandises de façon consolidée, en une seule fois, très tôt le matin et donc en silence. « En cours depuis six mois, cette expérimentation engage, entre autres, la mairie, le groupe Monoprix, le transporteur Transalliance, le logisticien FM Logistic et Mines ParisTech-PSL, précise Julien Darthout, délégué général du Club Déméter qui pilote l’opération. Le choix s’est alors porté sur un camion 26 tonnes respectant la norme hollandaise Piek qui impose de limiter le bruit pendant les opérations de chargement et de déchargement à moins de 60 dB. » Ce camion, un Iveco Stratis 330 qui roule au biogaz (plus silencieux), embarque un groupe réfrigérant à l’azote (moins bruyant) et comporte un revêtement acoustique sur le hayon… Bien sûr, le personnel est spécialement formé. Résultat, les émissions de GES chutent de 10 %, celles de Nox (oxydes d’azote) de 60 % et la congestion de 16 %. Quant au bruit, il reste inférieur à 60 dB, selon les tests de l’association Certibruit.

A Strasbourg, le Club Déméter monopolise Monoprix, FM Logistic, TransAlliance,
Mines ParisTech-PSL et la mairie pour expérimenter en grandeur réelle la livraison avec un poids-lourd silencieux qui roule au biogaz.
©Emily Mérick

Citons également le programme « Engagement volontaire pour l’environnement » (EVE) de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) qui se décline en trois volets. À commencer par Objectif CO2 qui mobilise, pour la période 2018-2020, 1 170 entreprises volontaires du transport routier de marchandises ainsi que des grossistes. « Nous proposons un référentiel global et structurant au travers d’une soixantaine de fiches d’action. Dont l’écoconduite qui peut réduire de 5 % à 15 % la consommation de gazole », explique Yann Tréméac, chef de service adjoint au service Transports et Mobilité de l’Ademe. Également au programme : actions de sensibilisation, formations, accompagnement, solutions techniques pour la gestion des données environnementales…

Y sont associées les grandes fédérations de transporteurs routiers de marchandises (FNTR, OTRE, TLF). Sur le même modèle, vient ensuite le volet Fret 21 pour les chargeurs et grossistes ainsi que EV Com pour les commissionnaires de transport. « Avant l’été prochain, nous devrions lancer un programme pour organiser la logistique urbaine durable entre les collectivités locales, les commerçants, les distributeurs, les transporteurs et les logisticiens, détaille Yann Tréméac. Avec également un catalogue d’actions, une méthode de concertation, de mise en œuvre, de suivi et de reporting. » Le but étant non pas de réaliser tout le catalogue d’actions mais d’en choisir quelques unes, de se concerter avec les acteurs idoines et de les mettre en œuvre.

Dans le sillage du report modal (de la route vers le fer ou le fluvial), l’Ademe vise aussi à développer le « cotransportage », à savoir le covoiturage de marchandises. À cet égard, la plateforme digitale de CRC Services, qui mise sur un réseau de centres de routages collaboratifs, regroupe les lots partiels de 1 à 15 palettes afin de réduire d’un facteur 10 à 30 le nombre de lignes à livrer en direct sur les 200 derniers kilomètres. Une sorte de Bablacar de la palette.

New Log achète du biocarburant pour conquérir de nouveaux clients

Engagement RSE oblige, les donneurs d’ordre privilégient les fournisseurs engagés dans le développement durable. C’est du moins le pari de New Log, une PME de transport routier basée à Lesquin (59) qui commence à faire rouler ses camions à l’Oleo100, un ester méthylique 100 % végétal fabriqué à partir de colza français. Produit depuis fin 2018 par Avril, ce biocarburant alimente en France plus de 400 camions de flottes captives. À la clé, une réduction de 60 % des émissions de GES par rapport au gazole. D’ici la fin de l’année, 20 % des 50 camions de New Log vont rouler à l’Oleo100. Ce qui vaut à la PME de remporter de nouveaux contrats.

Le transporteur New Log compte faire passer 20% de ses 50 camions au biocarburant
Oleo100 d’ici à la fin de l’année.
©New Log

Monoprix : le multimodal du fluvial jusqu’au pédestre

Monoprix achemine par la Seine 49 % de ses produits non alimentaires d’import (hors UE) du Havre vers Combs-la-Ville (77) et 20 % d’entre eux par rail vers la région PACA. De quoi éliminer des milliers de camions et des centaines de tonnes de CO2 par an. Depuis 2018, 100 poids lourds au GNV livre les magasins parisiens. L’enseigne affiche un objectif de 100 % de camions au bioGNV pour 2024 à Paris. Depuis fin 2019, Monoprix réalise 80 % de ses livraisons aux particuliers via Pickup Logistics (La Poste) via 40 vélos cargos et à pied. Pour l’heure, les quatre prestataires de livraison sur Paris et l’Île-de-France sont déjà équipés de 4 véhicules électriques et de 20 véhicules au gaz naturel.

Monoprix réalise déjà 80% de ses livraisons parisiennes chez le client final avec
PickUp Logistics (filière de La Poste) qui utilise des vélos cargos et des livreurs à pied.
©PickUp Logistics

FM Logistic se lance dans la production d’hydrogène en boucle locale

Que faire de 4,5 millions de mètres carrés de toiture d’entrepôts ? Des usines photovoltaïques pour fabriquer, à l’aide d’un électrolyseur, de l’hydrogène vert dans le cadre de boucles locales d’énergie. Avant d’y parvenir à cette échelle, FM Logistic se fait la main en boucle fermée à Illescas près de Madrid. Avec ce Hub de l’hydrogène, le système alimentera cet automne 15 de ses chariots élévateurs ainsi qu’un utilitaire de 3,5 tonnes. Au même prix que l’hydrogène gris ! Avec le Club Déméter, le logisticien français prévoit de dupliquer l’opération en France en l’ouvrant à des partenaires extérieurs. Le système serait ainsi dimensionné pour alimenter 100 chariots, 20 camions et 20 utilitaires dès 2022.

FM Logistics va produire de l’hydrogène vert en utilisant l’électricité des panneaux solaires des panneaux photovoltaïques implantés sur les toits de ses immenses entrepôts.
©FM Logistic

©Eliane Kan et Erick Haehnsen