Publié dans La Tribune le 10 mai 2019. Les discriminations en raison de l’orientation sexuelle reculent peu à peu en entreprise. Quitte, parfois, à recourir à un psychologue d’entreprise. Et à inscrire le respect des différences dans le règlement intérieur.
« Je fais partie de la famille des transgenres. Mes copines disent que je suis transsexuel. Je vis en nana depuis une vingtaine d’années. Parfois, je redeviens homme. Je me fais alors traiter de « transgenre binaire ». On me reproche de « rétrograder » ! Je m’en fous. Je suis border line. Je ne suis pas de toutes les manifs du troisième genre mais j’essaie de donner une autre image des trans. C’est mon cheval de bataille », livre Brigitte Boréal qui, pour lier la parole au geste, a produit un clip à l’occasion des présidentielles de 2017 avec une dizaine de trans rassemblées dans le Groupement international des grandes gueules nyctalopes (GIGGN) pour élire à la fois un président et un gouvernement tout en proposant une nouvelle constitution en 69 articles.
Après une maîtrise de philosophie et de psychologie, Brigitte Boréale a démarré sa carrière de journaliste dans les « Grandes affaires » entre autres à Libé. « Je fais partie d’une génération stigmatisée. A chaque fois que j’étais en femme, je risquai de me retrouver au poste, poursuit-elle. Le jour, j’étais homme. La nuit, j’étais femme. La nuit ou le jour, je ne vivais qu’à moitié. En 2001, j’ai décidé d’être Brigitte Boréal. » Tous les journaux dans lesquels elle avait travaillé l’ont interviewée. Elle était de tous les plateaux TV, dont feu le Grand Journal de Canal+. Coqueluche des médias mais pas des rédacteurs en chef. « Aucune rédaction n’envoie une trans en conf’ de presse à l’Élysée. » La trans est donc est donc devenue « nègre ».
Dans certains secteurs, comme la mode et le luxe, être gay est presque la norme, voire une protection. « Je travaille dans la mode et l’habillement car la communauté gay y est très présente, reconnaît Arnaud, la trentaine, responsable décoration pour une grande marque d’habillement. Je n’ai jamais été ennuyé par mon orientation sexuelle. D’autant que ce type d’entreprise valorise la diversité des orientations sexuelles ainsi que la promotion des femmes aux postes de haut niveau. En revanche, il peut y avoir des discriminations sociales. Mieux vaut provenir du XVIème que du « neuf-trois ». »
Il n’empêche. La culture de la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) fait évoluer les mentalités. En témoigne, sous couvert d’anonymat, le responsable des affaires sociales d’une multinationale française. « Il y a deux ans, Clotilde, directrice marketing d’une de nos filiales, annonce à sa DRH qu’elle va bientôt s’appeler Jean-Marie. Son PDG en tombe des nues. Pris de panique. Ne sachant comment s’y prendre avec Clotilde, il refuse de la recevoir. » Malaise dans tout le comité de pilotage. La DRH recourt alors à une psychologue qui, en quelques séances collectives et individuelles, dédramatise la situation et remet les pendules à l’heure : Jean-Marie aura les mêmes qualités et compétences professionnelles que Clotilde. « Au final, l’équipe a le sentiment d’avoir progressé, de s’être enrichie au plan humain. »
Certes, une plus ou moins grande tolérance s’installe dans les entreprises à l’égard des LGBT (lesbiennes, gay, bi et trans). « Je n’ai jamais rencontré le moindre problème de discrimination au travail », explique, quand même sous couvert d’anonymat, Hermine, haut fonctionnaire à Bercy qui héberge l’association Coming-G, des couleurs pour le Minefi. Reste que, dans bien des cas, les homosexuels et les trans doivent raser les murs.
Bien sûr, pas question de reformater les neurones des homophobes. « Cependant, l’entreprise peut installer un cadre qui, dans le règlement intérieur, indique les principes à respecter sous peine de sanctions prévues et se donner les moyens de repérer les dérives lorsqu’elles se produisent, souligne Jean-Claude Delgènes, PDG du cabinet Technologia, spécialisé dans la transformation managériale des organisations. Les entreprises peuvent aussi installer une commission ad hoc, incluant une personne volontaire de la DRH ainsi qu’un ou deux représentants du personnel et du CSE. » L’idée, c’est que les personnes discriminées puissent la saisir afin que la règle soit rappelée en montrant qu’il n’y aura pas de tolérance en cas de non respect. Pour se familiariser à l’intérêt de la diversité, rendez-vous à la Gay Pride le 29 juin prochain à Paris.
Trois idées pour se préparer à la semaine
A lire : Le chômage n’est pas une fatalité
Un vent d’espoir pour les six millions de chômeurs en France ! Dans son livre, Le chômage n’est pas une fatalité, Guilhem Dufaure de Lajarte, un chef d’entreprise créatif montre que des solutions innovantes existent pour sortir les demandeurs d’emploi de cette spirale. Sa dernière société, D2L Group a aidé à la création de près de 4 000 CDI. En plus d’avoir notamment créé le bus de l’emploi, une agence de recrutement itinérante, le groupe assiste et conseille les groupements d’employeurs qui mutualisent les postes salariaux entre les adhérents. Ce qui confère souplesse et sécurité de l’emploi aux salariés concernés. Un modèle qui a de l’avenir auprès des entreprises qui veulent se consacrer à leur cœur de métier.
Le chômage n’est pas une fatalité de Guilhem Dufaure de Lajarte. L’Archipel. 2019. 178 p. 16 €.
A voir : Permaculture, la voix de l’autonomie
Inventée dans les années 70, la permaculture est une pratique plus qu’une alternative à l’agriculture moderne. Il s’agit d’un nouveau mode de vie équitable et durable comme nous le montre le documentaire français Permaculture, la voie de l’autonomie. Les deux auteurs ont parcouru 30 000 kilomètres et traversé 10 pays, de la Sibérie au toit de l’Himalaya, de Bangkok à Mumbai. Leur voyage nous fait découvrir des associations qui œuvrent au développement de l’agriculture urbaine, sur les toits des villes ou en périphérie. A la campagne, des habitants rivalisent d’imagination pour mieux planter sans apport de pesticide en exploitant l’eau de pluie, les écosystèmes naturels et les matériaux locaux, tout en faisant preuve de sobriété et de solidarité. Toute une nouvelle économie agricole.
Permaculture, la voie de l’autonomie, de Carinne Coisman et Julien Lenoir. 68 minute. Sortie le 12 juin 2019
S’engager : avec ses compétences
Vous êtes juriste, comptable, graphiste, communicant, etc. et vous souhaitez vous engager auprès d’une association solidaire pour quelques heures ou quelques journées par mois ? L’association Passerelles et compétences a des missions taillées pour vous. Créée il y a 15 ans, cet organisme est présent partout en France grâce à un réseau de 21 antennes régionales. Lesquelles aident des associations à but humanitaire, social ou philanthropique à mener à bien leurs missions en leur proposant des compétences pointues délivrées par quelques 6 500 bénévoles. Une plateforme a d’ailleurs été mise en place pour aider les associations à poser leurs questions. A charge pour le modérateur de trouver le bénévole capable d’y répondre lors d’un échange téléphonique.
Passerelles et compétences, 29 boulevard Bourdon, 75004 Paris. Www.passerellesetcompétences.org.
Comment le législateur entrave la prévention du harcèlement moral
Par Françoise Maréchal-Thieullent, avocate au barreau de Paris, médiateur près les Cours d’appel de Paris et de Pau, présidente de l’association de médiation Amare
La procédure prud’homale est longue : 15,4 mois en moyenne. Et ses résultats sont peu satisfaisants (+60 % en appel). Processus structuré pourf tenter volontairement de rétablir le dialogue à l’aide d’un professionnel neutre, impartial et indépendant, la médiation apparaît comme une solution ngéressante permettant aux parties de trouver par elles-mêmes une solution satisfaisante à leur différend. Mais elle reste sous-utilisée. Notamment dans les conflits du travail malgré son taux d’accord (70 %), son coût réduit et sa durée contrôlés par les parties.
Ainsi, dans les situations de harcèlement moral aux répercussions délétères dans les organisations, il est prévu de mettre en place une médiation à la demande de la personne s’estimant victime ou par la personne mise en cause. Le médiateur tente alors de concilier les parties « et leur soumet des propositions qu’il consigne par écrit en vue de mettre fin au harcèlement. Lorsque la conciliation échoue, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime (Code du travail, art L.1152-6). Le fait de porter ou de tenter de porter atteinte à l’exercice régulier des fonctions de médiateur, prévu à l’article L. 1152-6 est puni d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 euros » (C.trav art L.1155-1 qui fait référence au délit d’entrave).
Le législateur s’est inspiré du médiateur intervenant dans les conflits collectifs au travail (C.trav. art. L 2523-1 et s) omettant que la mission première du médiateur n’est pas de concilier les parties ni de les conseiller. En effet, tout médiateur conventionnel ou judiciaire s’engage à une obligation d’indépendance, de neutralité, d’impartialité et de confidentialité. Il s’interdit donc de proposer des solutions aux parties. Cependant, adresser des propositions écrites lorsque la conciliation échoue nécessite de prendre position, d’altérer la confiance et de limiter la liberté de parole. Les échanges en médiation sont confidentiels. Le restent-ils après l’envoi de propositions écrites ?
En réalité, le médiateur ne se substitue ni aux professionnels du droit ni aux délégués syndicaux. Le médiateur doit recueillir le consentement éclairé des parties avant d’engager le processus. Il veille au respect des intérêts de toutes les parties et notamment de la personne qui se déclare harcelée en s’assurant notamment de sa capacité à participer activement au processus. Les parties assistées de leurs conseils se doivent de participer loyalement à la médiation. Dans tous les cas, si le médiateur constate une atteinte à l’intégrité physique ou morale, il arrêtera la médiation et pourra lever la confidentialité comme tout professionnel confronté à une telle situation.
La Chancellerie, le ministère du Travail et le législateur devraient s’accorder pour réécrire ces textes afin de permettre un traitement harmonieux des conflits qui font partie de la vie des organisations. Le droit doit offrir une réponse adaptée aux besoins et aspirations des humains à un coût raisonnable et de manière satisfaisante. Tout citoyen aspire à la paix sans pour autant renoncer à un idéal de justice en faisant entendre sa voix de façon constructive.