Publié dans La Tribune le 29 avril 2019. Cannabis, cocaïne, héroïne, ecstasy, amphétamines… lorsqu’un salarié se drogue et provoque un accident grave, la responsabilité de l’employeur est engagée. Pour réduire ce risque, les entreprises sont tenues de mettre en place des plans de prévention.
En France, 17 millions de personnes ont expérimenté le cannabis, 2,2 millions la cocaïne, 1,7 million l’ecstasy et 600 000 l’héroïne, selon le baromètre santé 2014 (dernier en date) de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) et de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT). Près de 1,4 million de personnes fument du cannabis régulièrement et 700 000 tous les jours. « Les substances psychoactives (SPA) sont susceptibles d’avoir un impact sur la vie professionnelle des salariés (pertes de production, absentéisme, dégradation de la santé et des relations) et d’engager la responsabilité de l’entreprise en cas d’accident grave », explique Édouard Rauline, DG de Medisur, spécialisée dans la prévention et les autotests de santé. Tous les secteurs d’activité, tous les échelons de l’entreprise sont concernés.
Depuis la directive-cadre européenne de 1989 sur la sécurité et la santé au travail, traduite en droit français dans la loi du 31 décembre 1991, la responsabilité civile et pénale du dirigeant d’entreprise est engagée lorsqu’un salarié subit ou provoque un accident grave – voire mortel. D’autant que les assureurs ne couvrent pas le risque en cas de consommation de SPA. Bref, le salarié se shoote, le patron trinque ! « Les drogues s’éliminent très lentement. 48 heures sont nécessaires à un fumeur occasionnel qui a tiré trois taffs sur un joint, au moins trois semaines à un gros fumeur, indique Marc Élie, président de l’association L’effet domino, spécialisée dans l’accompagnement des personnes souffrant d’addictions. Qui plus est, si un salarié voit son collègue consommer une drogue avant que ce dernier ne provoque un accident grave et s’il n’en alerte pas la direction, il peut être poursuivi pour non assistance à personne en danger… »
« Depuis l’arrêt du Conseil d’État du 5 décembre 2016, l’employeur a l’obligation de mettre en œuvre une politique de prévention des addictions pour lever le risque pénal qui pourrait être activé en cas d’accident mortel dans l’entreprise », précise Édouard Rauline. Autrement dit, il y a un certain transfert de la responsabilité pénale de l’employeur vers le salarié consommateur de SPA à condition de prouver tout a été mis en œuvre pour prévenir ce risque. Le plan de prévention commence par recruter un partenaire qui va sensibiliser le personnel, former les cadres et la direction puis structurer la mise en œuvre avec des objectifs de réduction. « Il faut élaborer une procédure écrite, mettre en place une négociation avec le comité social et économique (CSE), modifier le règlement intérieur », explique Bertrand Fauquenot, coordinateur national des interventions dans les entreprises à sites multiples à l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA). Par exemple, on indique clairement dans le règlement intérieur que le consommateur de SPA engage sa propre responsabilité en cas d’accident grave, qu’il est interdit de servir de l’alcool dans l’entreprise avec de prendre la route…
Certains acteurs de la prévention dresse une cartographie des risques SPA en organisant des contrôles à l’aide d’éthylotests et de tests salivaires (cannabis, cocaïne, héroïne, amphétamines…). Ensuite, comme il sera écrit dans le règlement intérieur, l’entreprise pourra mener des contrôles inopinés. A cet égard, certains managers sont formés pour faire passer les tests eux-mêmes aux membres de leur équipe. Une situation délicate. « Mieux vaut s’adresser aux sauveteurs-secouristes du travail ou à l’assistant de sécurité », conseille Bertrand Fauquenot. « Les plans de prévention sont l’occasion pour l’entreprise de réfléchir à leurs environnements de travail, estime François Auriol, responsable de la région Occitanie à l’ANPAA. Notamment pour réduire tout ce qui peut générer ou cautionner la prise de SPA. » En effet, loin d’avoir des origines purement récréatives, bien des consommations addictives peuvent être liées au besoin de trouver l’énergie nécessaire pour poursuivre son travail, endurer des douleurs ou se remettre d’un management toxique.
Trois idées pour se préparer à la semaine
A lire : Le manager est un psy
Humain trop humain ! Outre la rentabilité et la productivité, les managers d’aujourd’hui sont confrontés à des enjeux qui relèvent plus de la psychologie que de la compétence technique : burn-out, stress, turnover, bonheur en entreprise… il a été prouvé que l’impact psychosocial influe grandement sur la santé économique d’une entreprise. Conscients de ce phénomène, deux psychiatres, Eric Albert et Jean-Luc Emery, viennent de publier aux éditions Eyrolles un livre qui replace la psychologie et la dimension humaine au cœur des enjeux managériaux. Intitulé Le manager est un psy, l’ouvrage incite les managers à développer leur propre style pour gérer leurs équipes tout en apportant une valeur ajoutée singulière.
Le manager est un psy, chez Eyrolles. 224 pages. 19 euros. 2ème édition.
A voir : Her job
« Je me suis inspiré d’une histoire vraie, celle d’une femme, Panayiota [incarnée par Marisha Triantafyllidou], sans qualification professionnelle qui, en trouvant du travail, a fait la découverte de l’autonomie et de l’indépendance », explique Nikos Labôt, qui a réalisé le film Her job, sorti ce 1er mai. De nos jours à Athènes, Panayiota, femme au foyer complètement dévouée à son mari et à leurs deux enfants, ne sait pas lire. Elle a quitté la demeure familiale pour le domicile conjugal, passant d’une domination à une autre. Crise oblige, elle doit travailler, pour la première fois de sa vie, ailleurs qu’à la maison. Et se risquer ainsi à l’autorité et la subordination mais aussi l’amitié, la lutte et le goût de la liberté. Le film a reçu huit prix, dont le Premier prix du festival du film de Varsovie et le prix d’interprétation féminine du festival de Thessalonique.
Her Job de Nikos Labôt. 1H30. Avec Marisha Triantafyllidou, Dimitris Imellos et Konstantinos Gogoulos.
S’engager : auprès des enfants malades
Vous aimez les enfants ? Et vous disposez d’un peu de temps libre ? L’association L’envol, qui intervient dans des hôpitaux franciliens auprès d’enfants malades, recherche des bénévoles. Il s’agit pour eux d’aider les animateurs, le temps d’une demi-journée, au bon déroulement des ateliers. L’idée étant d’encourager les jeunes enfants à participer aux activités. Pour les bénévoles, L’envol leur propose d’être accompagnateur sur un week-end de trois jours à l’extérieur de Paris. L’association recherche justement des volontaires pour un séjour qui se déroulera du 29 mai au 2 juin en Normandie. A charge pour eux d’assister les enfants dans leur vie quotidienne. Seul pré-requis, avoir 20 ans le jour de l’inscription.
L’importance d’incarner son « bonjour » en management
Par Jehanne Essa, préventrice et enseignante vacataire en innovation sociale à l’Université de Bordeaux.
Punchy, amical, austère, apathique, routinière… la manière de dire « bonjour » n’est pas aussi anodine qu’il y paraît. Plus qu’une formule de politesse, souhaiter le bonjour à ses collaborateurs est un acte bienveillant. Bien des dirigeants en mésestiment l’importance. Ils ont tort.
En témoigne René, directeur d’un centre d’appels. Du matin au soir, il s’enferme dans sa tour d’ivoire avec sa cafetière. Sa devise : « Pas le temps de dire bonjour, nous sommes là pour être performants ». Dans sa pratique du management, René considère que le bonjour apporte peu de valeur. Lorsqu’il est obligé d’aller « au charbon », sur le plateau de l’Open Space où travaillent les téléacteurs, il serre les mains au pas de course. Dès qu’il arrive à Bérangère, il plonge déjà sa main dans celle de Martine. Ainsi de suite. En limitant ces échanges à quelques secondes pour chaque personne, René pense malgré tout « donner de sa personne ». Pourtant, inconsidérés, ses collaborateurs le surnomment « René le requin » à cause de son sourire crispé, de son regard vide, de son manque d’empathie au profit de la seule Bottom Line. Il fallait s’y attendre, René perd de son autorité. Les salariés ont l’impression de n’être que des numéros et en font le strict minimum…
A l’inverse, Raphaël partage chaque matin un café avec ses équipes qu’il salue chaleureusement. A la tête d’une société de nettoyage industriel, il sert les mains une à une avec un sourire sincère. Il connaît ses équipes et appelle chaque personne par son prénom, demande régulièrement des nouvelles de leur famille, et leur vie au travail. Ponctuelle mais de qualité, cette attention matinale insuffle un climat de confiance. Les échanges autour du travail sont fluides et les équipes se sentent boostées. En clair, le rituel du bonjour et la culture managériale sont étroitement liés. De fait, au-delà d’une simple salutation, c’est une marque de considération qui renforce quotidiennement la confiance mutuelle. Du coup, il peut accroître régulièrement, petit à petit, le niveau d’exigence et en suivre la mise en application au jour le jour. Surtout, il sait ce qu’il se passe dans son entreprise : le taux de fatigue, le moral ambiant, les velléités de départ… Il a une perception à 360° de son entreprise reconnue pour ses bons résultats.
Quelles sont les bonnes pratiques du bonjour ? Tout d’abord, le respect authentique envers chaque métier. Hors de question de tricher sur ce terrain. Les collaborateurs ressentent immédiatement le manque d’estime. De fait, le langage non verbal représente 90 % de notre message ! La confiance en dépend considérablement. Vient ensuite l’écoute des équipes. Les questions ouvertes en sont la clef : « Comment vont tes enfants ? Où en es-tu de ce projet ? Quelles situations bloquantes rencontres-tu ? Quelles améliorations proposes-tu ? ». Mais attention, le « pourquoi » est l’ennemi de l’écoute ! Il crée un sentiment de supériorité. Et met les salariés en porte à faux.
Autre élément clé, la disponibilité du dirigeant grâce à des actes simples : la porte du bureau ouverte la journée, les réponses brèves le soir aux SMS et mails via un message court ou un smiley. Enfin, on ne peut pas dire bonjour à tout le monde tous les jours. Le secret, c’est alors est de prioriser les services à saluer et couvrir sur plusieurs jours ou semaines toute l’entreprise. Pour s’y tenir, un peu de planification est incontournable.