L'Agence de presse de l'innovation

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©Unsplash/Freestocks

Le mot de la semaine: Prédictif

Publié dans La Tribune le 3 avril 2019. Prédire l’adéquation des candidats aux besoins des postes à pouvoir, tel est l’enjeu de l’intelligence artificielle. A condition d’offrir une vue globale sur l’évolution de l’entreprise. Et de multiplier les possibilités de simuler l’impact des décisions sur l’organisation.

Après le marketing, la finance, la logistique ou la cybersécurité, les HRTech (technologies RH) se shootent à leur tour à l’intelligence artificielle (IA). Avec, parfois, une promesse extraordinaire : le prédictif. C’est-à-dire connaître à l’avance qui seront les meilleurs candidats au recrutement. Comme souvent, avec le marketing des technologies, on tombe sur tout et n’importe quoi. Entre autres, certains acteurs prétendent faire de l’IA mais n’ont pas écrit la première ligne du code de leur algorithme. En matière de recrutement, l’IA peut-elle remplacer la boule de cristal de Madame Irma ?

Commençons par les Chatbots qui pullulent sur les interfaces de recrutement en ligne afin d’accompagner la démarche des candidats externes ou des collaborateurs internes qui veulent progresser dans l’entreprise. Point fort de ces robots conversationnels, ils libèrent du temps en facilitant le traitement automatique des réponses à un grand nombre de questions répétitives et à faible valeur ajoutée. « Pour la plupart, ils n’ont pas d’IA. Sauf « Randy » de Randstad qui utilise du Machine Learning », analyse Cécile Dejoux, professeur des universités au Cnam, affiliée à l’ESCP Europe et à l’Ena, co-auteure avec Emmanuelle Léon de l’ouvrage Métamorphose des managers à l’heure du numérique et de l’IA, paru en 2018 chez Pearson. Par ailleurs, les Chatbots dégagent une impression de traitement très impersonnel.

Viennent ensuite les algorithmes de matching affinitaire qui recherchent les personnalités expressives, sociables, capables de s’intégrer rapidement à leur environnement. Alléchant… au risque que tous les candidats sortent du même moule ! Quant au matching prédictif, il permet d’analyser la façon avec laquelle s’expriment les candidats en entretien d’embauche ou lors des entretiens d’évaluation pour prédire la pertinence du profil par rapport au besoin du poste et affiche un score de pertinence afin de prendre la bonne décision. « Certes, ces algorithmes ressortent des profils auxquels on n’aurait pas pensé mais ils s’appuient sur des données passées dont tout le monde dispose, comme celles de Linked-in », reprend Cécile Dejoux.

Pour sortir de la banalisation des données et de la problématique de dessiner le futur avec de l’ancien, le Smart Data recrute sans CV (Goshaba) en faisant passer des tests cognitifs à l’aide du Serious Game. L’avantage de la gamification, c’est de générer des données RH originales et de trouver des profils impossibles à identifier autrement. « En revanche, on exclut des jeunes diplômés dont la personnalité ne s’est pas encore exprimée en raison de leur manque d’expérience », enchaîne Cécile Dejoux.

« Chatbots, Matching affinitaire, Matching prédictif… ces algorithmes ne fournissent que des réponses parcellaires à une question globale : faire évoluer une organisation », souligne Viviane Ciriani, directrice marketing basée à Washington de Job4lives dont la plate-forme d’IA a été testée chez l’Oréal et Deloitte. Cette start-up marseillaise a élaboré un « bus cognitif » qui recrée l’univers de l’entreprise (stratégie, concurrence, modèle d’affaires, organisation), décrit le référentiel de postes – et des compétences qu’ils requièrent – et représente le candidat par son CV et son positionnement actualisé au sein de réseaux sociaux. « Ce système est prédictif car il crée un univers virtuel l’entreprise et son environnement. Ce qui permet de mettre en scène, de simuler une décision managériale comme le rachat d’une entreprise complémentaire ou l’externalisation d’une activité. Et d’en mesurer l’impact sur la cartographie des effectifs et des nouveaux besoins en recrutement », précise Viviane Ciriani dont la technologie s’appuie sur de nombruses technologies de l’IA (réseaux sémantiques, arbres de décision, Machine Learning, Deep Learning, algorithmes inférentiels). L’intérêt du prédictif dans le recrutement vise alors à multiplier la simulation des décisions pour arriver à la bonne. L’étape suivante, c’est de savoir pourquoi les collaborateurs restent. Pour Cécile Dejoux, « l’IA identifie déjà les causes de départ mais pas assez celles de l’engagement. »

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©Antoine Silvestri

Trois idées pour se préparer à la semaine

A lire : Radiosocopie des DRH

Publiée début avril, la 3ème édition du baromètre Cegos « Radioscopie des DRH » révèle que 88 % des directeurs ou responsables des ressources humaines (DRH-RRH) trouvent que leur métier s’est enrichi (accompagnement du développement des compétences des collaborateurs, du changement…), qu’il est devenu plus stratégique (76%) et plus intéressant au quotidien (70%). En revanche, 64% des DRH-RRH estiment que leurs horaires de travail explosent. 76% d’entre eux passent beaucoup de temps à mettre en place des accords faisant suite à des évolutions réglementaires (+12 % depuis 2012) et 56% rencontrent des difficultés pour valoriser l’apport de la fonction RH aux objectifs stratégiques de l’entreprise (+4 %). Par ailleurs, un DRH sur deux est amené à agir contre son éthique et ses valeurs.

3ème édition du baromètre Cegos « Radioscopie des DRH » téléchargeable ici : https://static.cegos.com/wp-content/uploads/sites/2/2019/04/02160631/Cegos-Communique-Baro-Radioscopie-des-DRH-02042019.pdf

A voir : La lutte des classes

Comment rester fidèle à l’école de la République alors que votre enfant ne veut plus y mettre les pieds ? Telle est la question que se posent bien des parents. Sofia (Leïla Bekhti) et Paul (Edouard Baer) vont ainsi voir leur couple mis à rude épreuve par cette « lutte des classes » lorsqu’ils emménagent dans une petite maison de banlieue. Comme tous les parents, cette brillante avocate d’origine maghrébine, qui a grandi dans une cité proche, et cet anar dans l’âme, batteur dans un groupe de rock punk, veulent le meilleur pour leur fils. Élève à Jean-Jaurès,celui-ci voit tous ses copains fuir l’école publique du quartier pour rejoindre l’institution catholique Saint-Benoît. Où il faut montrer patte blanche pour y être admis…

La lutte des classes, de Michel Leclerc. 1H43min. Avec Leïla Bekhti, Édouard Baer, Ramzy Bedia, Tom Levy et Baya Kasmi

S’engager : La course des héros

Le 16 juin au parc de Gerland à Lyon et le 23 juin prochain au parc de Saint-Cloud près de Paris, la Course des héros 2019 sera le nouveau grand rendez-vous sportif et solidaire de l’Association Petits Princes. Rassemblant chaque année plus de 7 500 coureurs et marcheurs, cette course en famille, entre amis ou entre collègues, permettra de donner vie aux rêves de 10 enfants gravement malades. En effet, il s’agit de collecter un minimum de 250 euros par groupe participant via une page de collecte en ligne que l’Association Petits Princes a mise en place. L’exploit sportif est à la portée de tous puisqu’il s’agit de marches chronométrées sur de 2 ou 6 km ou de courses de 6 ou de 10 km.

Pour l’inscription d’une équipe d’entreprise, contactez catherine.bausinger@petitsprinces.com.
Site web de l’événement : www.coursedesheros.com.

Chronique

Bien considérer ses collaborateurs : une rupture organisationnelle
Par Jehanne Essa, préventrice et enseignante vacataire en innovation sociale à l’Université de Bordeaux.

En 1968, des chercheurs de l’Université de Harvard ont mené une expérimentation en psychologie sociale dans une école défavorisée de Californie. Ils firent croire aux enseignants que certains de leurs élèves étaient des surdoués. Un an plus tard, les tests cognitifs révélèrent que ces fameux élèves avaient explosé les compteurs. Autrement dit, la considération manifestée par les professeurs avait été capitale dans leur développement. Baptisée « Pygmalion », cette opération démontre un mécanisme de défense selon lequel notre jugement sur une personne conditionne ses performances.

Même refrain dans les entreprises. Pour Jean-Christophe, responsable d’un supermarché, les caissières sont de simples exécutantes. En effet, « pas besoin d’avoir fait Saint-Cyr pour exercer ce job ! » Sur-diplômé, celui-ci adopte un management autocratique et méprisant envers ses caissières. Augmentation des accidents du travail, arrêts maladie, turnover…. les ennuis s’accumulent. « Avec cette armée de bras cassés, je ne suis vraiment pas aidé ! », enrage-t-il. Quant aux caissières, elles ont perdu toute confiance et toute estime en elles-mêmes. Elles n’osent plus proposer de pistes d’amélioration et elles finissent par trouver leur métier dégradant car il ne fait plus appel à leur cerveau…

De l’autre côté de l’Atlantique, Mariette, directrice d’une entreprise canadienne de services, bâtit une nouvelle culture managériale valorisante et participative. Ce nouvel axe stratégique nécessite un accompagnement des managers. Dix sur douze d’entre eux lâchent l’affaire malgré la formation et l’accompagnement par un coach qui leur sont proposés. Elle se sépare de sept d’entre eux. Pour renouveler l’équipe de direction, elle recourt à des tests et des entretiens pointus sur la considération des salariés avec l’Université de Sherbrooke. Mariette a eu raison. Ce management de la considération met ses salariés en confiance. Du coup, ils n’hésitent plus à être source de propositions et d’améliorations continues. Qui plus est, la renommée de sa politique RH attire des talents jusqu’ici inaccessibles. Mariette ne tarde pas à cartonner sur son marché !

Selon le langage que vous adoptez et la considération que vous portez à vos équipes, vous récolterez des résultats radicalement opposés. Cette règle s’applique à tous les métiers. Jean-Christophe en sait quelque chose : son management autocratique a généré souffrance, turnover, crises sociales et baisse de la rentabilité. A l’inverse, Mariette affiche des résultat économiques performants mais surtout, grâce à la culture de la considération qu’elle a instaurée, elle est elle-même plus heureuse au travail.

Cette transformation réclame une véritable rupture organisationnelle. De fait, face à des managers ultra-directifs comme Jean-Christophe, voire toxiques, les directions générales ferment les yeux ou s’en séparent. Or, la culture reste la même. Résultat, les remplaçants auront le même comportement. Morale de l’histoire : la rupture culturelle passe par quatre paramètres. Tout d’abord, le profil du manager doit privilégier le savoir-être de coach (plutôt que celui d’expert). Ensuite, le recrutement doit mettre en œuvre des tests de personnalité adaptés à cette exigence. Sans oublier d’accompagner l’évolution personnelle des managers en place. Enfin, la notation des managers par les salariés permet d’ajuster en continu l’organisation de l’entreprise. Bonne santé psychologique rime avec bonne santé financière…

Jeahnne Essa

©D.R

©Erick Haehnsen